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Mon intervention sur la réponse pénale au conseil de juridiction du tribunal de Chalon-sur-Saône

Mon intervention sur la réponse pénale au conseil de juridiction du tribunal de Chalon-sur-Saône

Ce jeudi s'est tenu un  conseil de juridiction du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône. Ce conseil est désormais imposé par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 adoptée cette année. C'est par la  voie d'amendement que nous avons obtenu la tenue d'un tel conseil dans les deux ordres de juridiction, administratif et judiciaire, en premier ressort et en cour d'appel avec la participation de tous les parlementaires du territoire. C'est un outil devant nous permettre de faire valoir les difficultés exprimées par les citoyens, d'apprécier les effets des lois votées et d'entendre les difficultés des professionnels. 

Il s’agit d’un lieu d'échange entre la juridiction, le président, et le procureur de la République, les autres professionnels du droit, tels  les greffiers, les avocats, les  élus, collectivités territoriales, services de l’Etat. 

La  réponse pénale, c’est-à-dire la réponse de la justice aux affaires poursuivables (lorsqu’il n’existe aucun motif de fait ou de droit rendant impossible la poursuite d'un auteur devant une juridiction pénale), était à l'ordre du jour. 

Il a été défendue l'idée qu'il n'y avait aucun laxisme et que les peines d'enfermement ne sont pas limitées en nombre. Les alternatives aux poursuites de mon point de vue, ne sont pas suffisamment prononcées mais sans doute aussi en raison d'un déficit de possibilités offertes au juge. On attend trop du jugement d'une manière générale, et on mesure de plus en plus combien, en matière pénale, la médiation et la justice restaurative doivent être développées. Je n'ai pas eu le sentiment que les président et procureur de ce ressort soient dans cette perspective d'ouverture. 

Le taux de réponse pénale a augmenté ses dernières décennies. En 2022, 89% des affaires poursuivables ont donné lieu à une réponse pénale. C’est 10 points de plus qu’il y a 20 ans. Et, la poursuite judiciaire reste majoritaire parmi les réponses pénales en 2022 : 59%, contre 6% de composition pénale et 35% de mesures alternatives.

Deux phénomènes constatés sur la réponse pénale :

·        Une hausse des procédures alternatives

Le hausse de ce taux s’explique par la hausse du recours au procédures alternatives ces dernières années. En parallèle, le taux de classement sans suite a diminué. 

Si en première lecture, ce constat est satisfaisant, il s’avère qu’en réalité les procédures alternatives relèvent davantage de l'alternative au classement sans suite que de l'alternative aux poursuites. Elles sont en effet un moyen simple et peu coûteux d’augmenter le taux de réponse pénale en faisant baisser le taux de classement. 

Dans un contexte où le taux de réponse pénale est un marqueur politique et médiatique d’une « tolérance zéro » vis-à-vis des délinquants, le fait de répondre à une infraction compte davantage que la qualité de la réponse pénale elle-même. Et, force est de constater que la qualité des mesures alternatives n’est pas au rendez-vous d'une manière générale sur l'ensemble du territoire.  C’est principalement l’avertissement pénal probatoire (ex rappel à loi) qui a permis d’enrayer le classement sans suite (41% des mesures alternatives en 2022), mais selon les policiers, ce dernier n’est pas plus efficace qu’un classement sans suite. Quant aux mesures alternatives qualitatives - stages, médiation, orientation sanitaire, injonction thérapeutique, elles ne figurent pas en tête des alternatives auxquelles il est le plus recouru (question de coût, de temps, de difficultés d’exécution). 

·        Dans le même temps, une sévérité croissante des poursuites pénales

On constate une sévérité croissante des poursuites pénales, avec ces dernières années, un accroissement des poursuites, une hausse de la sévérité des juridictions, et du recours à la détention provisoire.

Les parquets ont privilégié les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et les procédures de comparution immédiate. Ces dernières ont pour effet d’augmenter l’incarcération car leurs modalités d’organisation difficiles ont pour conséquence des prononcés plus fréquents de peines d’emprisonnement. Elles sont également incompatibles avec un aménagement de peine prononcé dès la condamnation car le juge ne dispose pas d’éléments permettant d’apprécier la situation du prévenu et d’individualiser sa peine. 

Par ailleurs, la durée moyenne d’emprisonnement augmente : de 7 mois en 2012, on passe à 9,5 mois en 2020, malgré la loi du 23 mars 2019 qui réduit les possibilités pour le juge de prononcer de courtes peines. 

La loi de programmation comporte une majoration de crédits importante. D'ici 2027,  sont attendus ici  4 magistrats du siège,  4 assistants de justice et 3 magistrats du parquet. Il nous faudra veiller au respect de ces engagements. L'indépendance de la justice ne signifie pas l'indifférence et ces conseils de juridiction s'ils sont bien préparés avec des ordres du jour partagés, participent de cet échange. Il nous faudra le plus possible relayer l'information de sorte que le citoyen comprenne son fonctionnement et évite des affirmations brutales et préjudiciables à la démocratie.

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