[video] Mon intervention en séance publique sur la Proposition de loi visant à rétablir la peine d'indignité nationale





La présente proposition de loi a été enregistrée à l’Assemblée nationale aux fins notamment de rétablir le crime d’indignité nationale pour les Français sans double nationalité. Issue de l’ancien droit et de la législation révolutionnaire avant d’être reprise à la Libération au sein des ordonnances des 26 août et 26 décembre 1944 réprimant les faits de collaboration, cette peine vise à déshonorer publiquement un citoyen, non à l’exclure de la communauté politique. C’est la citoyenneté qui est affectée, non la nationalité.
C’est ainsi qu’aux termes de l’ordonnance du 26 août 1944, était inculpé d’indignité nationale le Français ou la Française qui avait, principalement, adhéré à un parti politique pro-collaborateur, et/ou participé au gouvernement de Vichy, et/ou s’était livré à une activité de propagande raciste ou fasciste, et/ou avait occupé une fonction de direction au Commissariat aux questions juives. L’antisémitisme était explicitement visé par le législateur résistant. À ce crime nouveau correspondait une peine elle aussi nouvelle, la dégradation nationale, une peine « infamante » qu’en l’état du droit pénal actuel, il semble difficile de rétablir, les peines infamantes ayant disparu du code pénal de 1994.
Il s’agissait d’une peine symbolique et provisoire adaptée à une période particulière, et qui rappelons-le a permis d’éviter la peine de mort à de nombreux Vichystes. Cette indignité nationale était fondée sur un tout autre objectif et a permis d’éviter l’application de peines beaucoup plus cruelles. La proposition de loi ici débattue ajoute à une peine de trente ans de prison, 450 000€ d’amende,  la dégradation nationale (privation des droits civiques, interdiction d’emploi dans la fonction publique, etc.).
Or, après réflexion, cette indignité nationale ne m’a pas semblé appropriée pour répondre aux dangers de la société du XXIe siècle. L’horreur des actes terroristes appelle une toute autre démarche que celle de construire l’avenir en regardant un passé, qui plus est un passé récent qui n’a rien à voir avec la période que nous vivons.
D’une part, l’intervention du législateur doit être efficace. Or, les attentats de janvier dernier ou les autres tentatives déjoués par nos services de police dernièrement,  auraient-ils été évités avec la ppl ici présentée ? La réponse est évidemment non. On sait qu’aucune peine du code pénal,  aussi sévère soit-elle, n’arrête le fanatisme. Les peines les plus dures ne sont pas dissuasives. Celle-ci évidemment moins encore.
Par ailleurs, le droit pénal offre suffisamment d’outils pour réprimer les actes terroristes. L’arsenal répressif à disposition des juges n’appelle pas une mesure supplémentaire de cette nature, inopérante, s’agissant de la condamnation de terroristes.
D’autre part, cette peine d’indignité nationale risquerait d'être beaucoup plus un motif de gloire pour des terroristes en mal de martyre, qu’une souffrance que leur infligerait le regard réprobateur de leurs concitoyens. En d’autres termes, en arrachant aux terroristes la dignité nationale, on ne fait que leur donner ce qu’ils recherchent eux-mêmes. Les punir très lourdement oui, les exclure pour en faire des martyres, non.
Par conséquent, je rejette cette proposition de loi que je  considère inefficace à combattre ce qui est censé la justifier, le terrorisme, et même à produire des effets inverses à ceux qu’elle cherche à produire.
Nos concitoyens doivent le savoir. On ne doit pas leur laisser penser que cette mesure est nécessaire pour lutter contre le terrorisme.  Au contraire, on vient de le dire, elle présente des risques, sans parler des malentendus ou des incompréhensions négatives qui ne pourraient être évités. C’est dans l’action dans de multiples directions telle que la mène le gouvernement et à laquelle participe activement le législateur en ce moment au sein même  de l’Assemblée nationale, dans une approche d’ailleurs constructive et partagée avec l’opposition que nous devons continuer à travailler.
Pour ces motifs, mes chers collègues, je ne voterai pas cette proposition de loi.

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