Mon intervention sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire

Mon intervention sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire

Discussion générale

Monsieur le président,

Monsieur  le ministre,

Madame la rapporteure,

Mes cher.e.s collègues,

Nous sommes tous mobilisés dans la lutte contre le covid19, cette pandémie qui broie nos corps, nos cœurs et a mis brutalement à l’arrêt notre vie quotidienne. Nous sommes prêts à prendre des mesures d’urgence pour préserver la santé de nos concitoyens et tout autant vigilants à ne pas renier les exigences de l’Etat de droit qui fonde notre démocratie. Ce travail d’équilibre, nous l’avons déjà opéré et nous le faisons à nouveau.  Nous savons qu’il n’est pas facile.

I.  4 observations générales :

1-Ce texte a été modifié par le Sénat. Nous accueillons très favorablement la grande majorité des nouvelles dispositions qui répondent à nos préoccupations. Nous sommes satisfaits de constater que l’essentiel a été conservé lors de l’examen par  la Commission des lois. L’objectif, que l’on peut comprendre vu les circonstances, d’une CMP réussie expliquant en grande partie cela.

2- Le texte soumis au débat n’est pas celui du déconfinement. Les discussions hier toutes utiles portant sur l’ouverture des commerces, des plages, des restaurants, des théâtres, ne sont pas le sujet de ce texte. Je rappellerais donc simplement que ces professionnels sont très inquiets et que nous leur devons la communication d’une date très prochaine d’ouverture.

3- Ce texte donc ne s’attache qu’à modifier l’article 4 de la loi sur l’état d’urgence sanitaire du 23 mars 2020, prisme étroit qui ne permet pas d’interroger d’emblée les questions sociales et les effets graves de certaines ordonnances sur notre démocratie et son pilier essentiel qu’est la Justice. Un pas a été franchi avec la suppression à la promulgation de la présente loi du caractère automatique du report de la durée de rétention. C’est le moment de rappeler que nous avons saisi la ministre de la Justice de cette question par une lettre de mon groupe. La réponse devrait venir je pense.

4- Toutes les mesures ont pour objet de déroger au droit normalement applicable, pour juguler cette pandémie. Elles sont donc par nature temporaires. Pourtant, elles trouvent leur place dans le code de la santé publique, dans un nouveau chapitre consacré à l’état d’urgence sanitaire qui perdurera jusqu’à la clause de revoyure du 1er avril 2021. D’où une certaine confusion il faut bien le dire, ne sachant pas toujours si la disposition que nous examinons, a une valeur générale qui trouve sa place dans un état d’urgence sanitaire qui pourrait être à nouveau mis en place, ou une valeur ponctuelle. Pour nous, ces mesures que nous discutons sont en lien exclusif avec la situation créée par le COVID 19.

 II. Sur le texte : quelques points retiennent l’attention de notre groupe

1-Sur la responsabilité pénale des acteurs publics et privés. Nous approuvons les modifications introduites par l’Assemblée nationale en ce qu’elles conservent l’architecture du texte actuel du code pénal. Et, il n’en résulte pas, comme j’ai pu l’entendre, des ministres qui seraient libérés du risque pénal.

Mais nous redoutons que les précisions ajoutées au texte desservent en réalité  le louable objectif poursuivi par mes collègues.

Nous vous proposerons un amendement d’une toute autre nature, un peu modifié qui a fait l’objet d’une discussion sérieuse en Commission des lois et qui permettrait d’accompagner de manière pragmatique les maires dans les décisions prises dans le cadre de cet état d’urgence et du déconfinement.

2-Sur le contrôle et l’évaluation des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. Des avancées ont été faites par le Sénat. Mais pourquoi ne peut-on parvenir à mettre en place un contrôle factuel tel qu’il a été mis en place en 2015 ?

3- Notre appréciation et celle de nos concitoyens passe par la connaissance du nombre de décès du COVID 19. Nous sont communiqués les décès à l’hôpital, dans les établissements médicaux-sociaux et les EPHAD. En revanche, nous ne savons rien des décès survenus au domicile. Je mesure la difficulté mais ce projet pourrait être l’occasion d’acter d’une communication élargie et mieux identifiée. Le nombre de décès est ce qu’on retiendra de cette pandémie.

4-Les masques et les tests sont absents de ce texte, alors qu’ils sont le bras armé de la lutte contre le Covid. La question de l’accès, de la distribution facilitée et du coût a toute sa place ici.

5-Enfin, s’agissant de l’article 6 : nous partageons l’objectif d’une enquête épidémiologique et d’un traçage des personnes susceptibles d’être atteintes par le COVID 19. Mais nous constatons avec inquiétude que le recueil volontaire des données ne figure pas dans le projet de loi alors que le RGPD pose comme principe l’utilisation consentie de données personnelles. Nous devons considérer que les personnes tracées sont en capacité de donner leur accord pour figurer dans le fichier, et nous interroger sur leur maintien dès lors qu’elles ne sont pas testées positives au Covid 19.

Par ailleurs, L’objet de cet article est de lever le secret médical. Il s’agit d’une brèche dans un système auquel nous tenons. Etait-ce vraiment nécessaire ? Nous vous demanderons à tout  le moins de soumettre tous les intervenants à une formation déontologique et aux exigences et sanctions entourant ledit secret médical.

Telles sont les premières observations que nous tenions à faire avant l’ouverture de ce débat. Nous défendrons avec force les libertés publiques et le respect de la vie privée, mais nous sommes aussi conscients des responsabilités majeures qui vous incombent et des moyens urgents et dérogatoires dont vous avez besoin pour une lutte efficace. Nous serons au rendez-vous d’un débat constructif.

Cécile Untermaier

Séance publique du jeudi 7 mai 2020.

 

A lire aussi