Justice des mineurs: instauration d’un seuil d'irresponsabilité pénale à 13 ans

Justice des mineurs: instauration d’un seuil d'irresponsabilité pénale à 13 ans

Actuellement, la justice française confie au juge des enfants et au tribunal pour enfants le soin de décider en fonction du discernement de l’enfant.

Toutefois, les textes signés par la France, en particulier la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies, imposent d’introduire un seuil en dessous duquel les sanctions pénales seraient impossibles. La plupart des pays européens s’y sont ralliés et le Défenseur des droits rappelle régulièrement cette obligation à la France.

Cette présomption d’irresponsabilité pénale sera simple et non irréfragable. Les juges pourront faire exception à ce principe mais devront le motiver. Jusqu’à 13 ans, les jeunes resteront bien sûr confrontés à la justice en cas d’infraction, mais ce sont alors des mesures éducatives qui pourront être décidées par le juge des enfants.

J'avais défendu dans le rapport sur la justice des mineurs, l'irresponsabilité pénale avant l'âge de 13 ans. Je suis satisfaite que la Garde des Sceaux prenne une telle décision renforçant ainsi la lisibilité de l'action judiciaire.

 

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

En conclusion des travaux d’une mission d’information 

sur la justice des mineurs

 

L’âge de la responsabilité pénale en Europe

Dans les droits des États européens, la responsabilité pénale est définie par un âge qui varie selon les pays :

– 8 ans en Écosse et en Grèce ;

– 10 ans en Angleterre et en Suisse ;

– 12 ans aux Pays-Bas, au Portugal et en Belgique ;

– 14 ans en Espagne, en Allemagne et en Italie ;

– 15 ans en Suède ;

– 18 ans au Luxembourg.

Source : « Le droit pénal des mineurs en Europe », Ministère de la justice, février 2017.

Le droit pénal français ne prévoit pas d’âge minimum de responsabilité pénale. En effet, en vertu de l’article 122-8 du code pénal : « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet ». Ainsi tout mineur capable de discernement peut être déclaré pénalement responsable sans qu’aucun seuil d’âge ne soit fixé.

Le discernement, défini comme « l’aptitude à distinguer le bien du mal », est une notion souple qui laisse une marge d’appréciation importante au juge pénal. Par cet article, le législateur a consacré la jurisprudence Laboube rendue en 1956 par la Cour de cassation et confirmée en 2017.

En France, la Commission présidée par le recteur André Varinard a préconisé en 2008 de fixer un seuil de responsabilité pénale à douze ans afin de répondre aux exigences de la CIDE et de clarifier le droit pénal des mineurs.

Plusieurs interlocuteurs de la mission ont considéré qu’une telle évolution était aujourd’hui nécessaire. Ainsi, M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a reconnu que si le Défenseur des droits avait pendant longtemps été favorable à la notion de discernement, la fixation d’un âge de responsabilité pénale lui paraissait désormais nécessaire notamment afin de répondre aux exigences de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Dans les éléments transmis à la mission, il constate qu’il « n’est pas rare que des enfants de 7-8 ans fassent l’objet de poursuites pénales dans la mesure où il n’y a pas de seuil d’âge » alors « qu’en dessous d’un certain âge, un enfant, s’il peut avoir compris et voulu son acte, a en revanche, difficilement une telle compréhension de la procédure pénale dans laquelle il se trouve impliqué ». Il conclut qu’il faudrait fixer un âge qui ne saurait être inférieur à 13 ans.

Dans les éléments transmis à vos rapporteurs, le Syndicat de la magistrature estime « fondamental que la définition de la minorité pénale soit renforcée par la fixation à 13 ans de l’âge de la responsabilité pénale, sans que ce choix ne soit exclusif de la nécessité, en sus, d’établir le discernement au cas par cas. Cet âge de 13 ans est compatible avec l’article 4-1 des Règles de Beijing adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 novembre 1985, aux termes duquel “ dans les systèmes qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale, celui-ci ne doit pas être fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturation affective, psychologique, intellectuelle ” ». Le syndicat précise, par ailleurs, qu’en cas de fixation d’un âge de responsabilité pénale, il appartiendrait au juge d’établir que l’enfant est capable de discernement et qu’il ne serait pas opportun de prévoir une présomption de discernement.

La fixation d’un âge de responsabilité pénale n’est pas sans conséquence car elle pose la question des mesures prises à l’encontre du mineur délinquant en-deçà de l’âge fixé. Ainsi, la fixation d’un âge de responsabilité pénale à 13 ans impliquerait que les mineurs délinquants âgés de moins de treize ans soient pris en charge au titre de l’assistance éducative ou de la PJJ. Dans ce sens, il faudrait alors restaurer les crédits budgétaires de la protection judiciaire de la jeunesse afin de lui permettre d’exercer ses prérogatives en matière civile.

Votre rapporteur Jean Terlier considère que la notion de discernement laisse toute marge de manœuvre au juge des enfants pour prononcer une mesure adaptée à la maturité et à la compréhension du mineur. En outre, si les mineurs de moins de 13 ans ne sont pas responsables pénalement et sont pris en charge au titre de l’assistance éducative, cela suppose non seulement un changement considérable de la politique pénale à l’égard de ces mineurs mais également un transfert de charges vers les départements. C’est pourquoi votre rapporteur considère que la fixation d’un âge de la responsabilité pénale n’est pas une priorité et que la réflexion doit se poursuivre.

À ce stade d’analyse, sans remettre en question l’excellent travail mené par les juges des enfants sur la notion de discernement, votre Rapporteure Cécile Untermaier considère qu’un âge de responsabilité pénale devrait désormais être prescrit par la loi et s’appliquer à toutes les infractions. Il s’agirait, non pas seulement de satisfaire aux dispositions du droit international, mais aussi de clarifier le droit pénal des mineurs et de donner toute sa dimension à la prévention de la délinquance et à la politique éducative partagée par tous les acteurs. Les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la responsabilité pénale et qui ont commis une infraction seraient soumis à la législation sur la protection de l’enfance et donc à des mesures éducatives, sous le contrôle du juge des enfants. Les dispositions budgétaires tendant à la restauration de crédits à la protection judiciaire de la jeunesse, devraient alors être prises dans ce cadre.

Par ailleurs, la fixation de l’âge de responsabilité à treize ans semblerait pertinente, dès lors qu’elle respecte les seuils d’âge déjà existants, interdisant en particulier à un mineur de moins de treize ans d’être condamné à une peine.

En tout état de cause, si une telle réforme devait être menée, il resterait à discuter, d’après nos interlocuteurs, de la possibilité ou non laissée au juge de déroger au seuil de l’âge de responsabilité, dans des circonstances exceptionnelles.

Proposition de Mme Cécile Untermaier : fixer à 13 ans l’âge de la responsabilité pénale des mineurs.

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