Débat sur le fonctionnement de la justice pendant l’épidémie de Covid-19

Débat sur le fonctionnement de la justice pendant l’épidémie de Covid-19

Monsieur le président,

Madame la ministre,

Mes chers collègues,

Le Gouvernement a pris par voie d’ordonnance, un ensemble de mesures destinées à répondre à la menace de l’épidémie, protéger les professionnels et les justiciables tout en préservant la continuité du service public de la justice.

Domaine pénitentiaire :

Le défi des prisons submergées face au virus a été relevé. Nous sommes passés de 72 400 détenus à 61 000 détenus fin avril 2020. La remise en liberté des plus proches de leur fin de peine et la réduction du nombre des entrants expliquent cette réduction de plus de 11 500 personnes.

Nous proposions d’aller plus loin, en retenant l’examen possible par le juge d’application des peines d’une libération non pas à moins de deux mois  mais de quatre mois de la fin de peine, sachant que cette mesure n’est pas automatique et toujours soumise à l’office du juge.

Tous les professionnels se sont mobilisés de façon exemplaire. Les surveillants pénitentiaires ont géré la suppression compliquée des parloirs et organisé des circulations internes, des quarantaines pour les entrants, de sorte que les maisons d’arrêt ne deviennent pas les clusters potentiels redoutés.

L’article 16 de l’ordonnance disposant d’une prolongation automatique des mandats de dépôt, contesté sur tous les bancs, a finalement fait l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation d’une grande clarté, rappelant nos exigences en matière d’enfermement.

Les directeurs des centres pénitentiaires que nous avons rencontrés redoutent l’après-crise et le retour de la surpopulation carcérale. Le risque sanitaire ne permet plus de revenir aux chiffres de l’avant Covid et nous n’avons pas d’autre choix que de faire perdurer un nombre stable de détenus et prévenus par une gestion régulée des entrées et des sorties. Mais ces règles doivent être fixées par la loi.

Sur l’activité judiciaire :

Le temps passant, la continuité du service public de la justice n’a pas été assurée sur l’ensemble du territoire de la même manière. Quelques juridictions ont tenté de poursuivre leurs activités au delà des seules urgences et du domaine pénal. Cet effort, dans le respect des gestes barrières, a été salué localement par les avocats et les justiciables.

Non des moindres, le Barreau de Lyon par exemple, a signalé que le Tribunal judiciaire de Grenoble avait mis en place un processus de dépôt de dossiers dématérialisés via la plateforme ATLAS, comme la Cour de Montpellier, mais que cela n’était pas la pratique dans d’autres juridictions. Ces disparités ont porté atteinte au principe d’égalité des usagers devant le service public de la justice et compliqué la lisibilité de son action.

C’est d’ailleurs en ce sens que le 22 avril dernier, nous avions adressé au Premier ministre et à la garde des Sceaux, une lettre demandant, sans attendre la date du 11 mai, de faire évoluer le plan de continuation de l’activité et de revenir au plus tôt au fonctionnement juridictionnel normal. Les grandes et petites juridictions, les tribunaux spécialisés, selon leurs moyens, pouvant ainsi s’engager dans le traitement de dossiers de fond, en concertation avec les greffiers et les avocats, dans le respect des gestes barrières qui s’imposent à nous tous.

Ce confinement a été amplifié dans ses effets par le sous-équipement numérique de la justice. Le télétravail a été impossible pour les greffiers, faute de logiciel métier pour la procédure civile et d’ordinateurs portables. Les magistrats ont rendu leur jugement mais ceux-ci attendent une notification. Le pénal a moins souffert mais le civil est aux abois. Les chambres civiles, le contentieux de la protection, sont en grande difficulté. Et, c’est désormais un délai d’un an qu’il faudra compter pour l’audience d’un divorce.

En raison de ces retards, la réforme du divorce et de la justice des mineurs, est reportée à janvier et mars 2021. Septembre 2021 serait une date plus raisonnable, sachant qu’en ce qui concerne la Justice des mineurs, personne ne semble en vouloir localement.

Toujours à raison du confinement et des difficultés ainsi engendrées, le ministère de la justice a prévu l’extension de l’expérimentation des Cours criminelles à 30 départements. La plupart des chefs de juridiction nous disent ne pas comprendre cette décision qui vient complexifier le travail et mobilise deux magistrats supplémentaires puisqu’on passe de 3 à 5 juges. Les assises méritaient d’être simplifiées dans leur organisation, mais tout autant d’être conservées, ne serait-ce que pour accompagner les citoyens dans l’œuvre de justice.

Tirons ainsi les enseignements de la crise sanitaire. La justice est un pilier de notre démocratie. Quels que soient les évènements, cette institution doit être en capacité optimale de remplir son office.

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