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Discussion des crédits justice 2024 en séance publique

Discussion des crédits justice 2024 en séance publique

Après l’examen du budget de la justice pour 2024 la semaine dernière en commission des Lois, celui-ci a été débattu jeudi dans l’hémicycle en séance publique. 

Les crédits dédiés en 2024 à la justice, dans le cadre de projet de loi de Finances 2024, ont été examinés cette semaine par la commission des Lois. 

Pour rappel, ce budget s’inscrit dans la continuité des précédents avec une augmentation de 5,3 % des crédits par rapport à 2023, après trois années consécutives d’augmentation du budget de 8 %. 12,1 milliards d’euros seront ainsi dédiés à la justice en 2024.

L’effort budgétaire se traduit essentiellement par les recrutements, avec 1 961 emplois créés, l’objectif étant d’atteindre 10 000 emplois supplémentaires durant le quinquennat 2022-2027. Pour 2024, se seront ainsi 1 307 emplois créés pour les services judiciaires, 450 emplois pour l’administration pénitentiaire, 92 emplois pour la protection judiciaire de la jeunesse et 112 emplois pour accompagner les directions du ministère de la Justice pour la mise en œuvre de ses politiques. 

Mon intervention exprimant la position du groupe 

"Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Monsieur la Rapporteur,

Mes chers collègues, 

Je veux exprimer ici mon malaise en montant à la tribune, dans ce contexte de guerre qui frappe depuis le 7 octobre par milliers des civils, enfants, bébés, tout cela dans une montée de l’antisémitisme et de la haine de l’autre, indigne de ce que nous sommes.

Dire ensuite, ma difficulté à parler budget en séance publique avec la banalisation du 49-3 en laissant l’administration et l’exécutif seuls décideurs.

La présente mission est la suite logique et attendue de la loi de programmation. Ce budget à la hausse, vérifié en 2024, permet dans l’urgence de sortir la justice de l’indigence. 

L'augmentation du budget ne fait pas tout, mais c’est la première mesure qui devait être prise de manière massive. Il nous faut veiller à ce que cette loi de programmation se concrétise chaque année.  Nous avons connu des crédits votés en novembre et gelés au cours du mois de janvier suivant. 

Enfin, avant de faire les quelques réserves ou observations sur la mission proprement dite, rappeler que plus des 2/3 des citoyens ne sont pas satisfaits du fonctionnement de la justice, délais, illisibilité des décisions rendues... et près des 2/3 considèrent que les juges ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Les nominations à l’initiative du Gouvernement, la gestion même de l’autorité judiciaire, loin de l’esprit corporatiste ou du réflexe anti-judiciaire, devront être explorées. Nous n’abandonnons pas ces sujets. Pour l’heure, nous considérons que le sujet actuel est le renforcement des moyens de la justice. 

I. Ces moyens sont présents dans la présente mission. Quelques remarques, réserves ou regrets  sur ce budget en hausse, mais moins fortement qu’en 2023 - 5,3 % et avec un dynamique des créations d’emplois qui baisse aussi par rapport à 2023 avec -13 %.

II. Une interrogation sur les recrutements car si les crédits sont là, encore faut-il pouvoir les concrétiser par le recrutement massif, en particulier chez les magistrats, 2 800  d’ici 2027. C’est-à-dire 700 magistrats par an à recruter. Si les écoles « tournent à plein régime », l’ouverture de la magistrature à d’autres professions du droit est indispensable. Il faudra la simplifier encore, combattre les préjugés. La question de l’attractivité dans la magistrature, mais aussi dans les autres corps de métier relevant de la fonction publique, est devant nous. 

Une interrogation aussi sur les greffiers

Notre vigilance a été constante à ce sujet et j’ose croire qu’elle a été prise en compte dans les avancées de l’accord signé le 26 octobre. La catégorie A est-elle enfin comparable en tous points avec celle des autres ministères ? Les directeurs des services de greffe voient-ils leur situation évoluer dès 2024 avec rétroactivité des mesures en 2023 ? 

Un vrai regret sur la justice restaurative

Aucune majoration par rapport à 2023. 36 millions sont alloués pour 2024 aux dépenses d’intervention d’aide aux victimes, qui comprennent la justice restaurative, contre 35,4 millions en 2023. 

La récidive atteint un taux de 40 % en France. Au Québec, où la justice restaurative est une pratique commune, le taux de récidive des condamnés ayant participé à des programmes de justice restaurative est de seulement 9 %. La réussite du Québec en matière de justice réparatrice tient aux importants crédits qu’y consacre l’État. Sommes-nous donc toujours condamnés à suivre loin derrière ce qui se fait de mieux dans certains Etats du monde ? 

Un constat d’échec sur la question carcérale

La tendance est au durcissement carcéral :  74 513 détenus pour 60 666 places opérationnelles, 27 000 détenus incarcérés dans des établissements affichant un taux d'occupation supérieur à 150 %. Fin 2022, le taux d’occupation des maisons d’arrêt était de près de 143 %. 

Nous devons interroger notre modèle d’enfermement et la dignité qui s’impose. Le sens donné à la prison fonde le sens de la peine. La peine, c’est aussi le temps de la réinsertion. Le détenu ne restera pas toute sa vie en prison. Sans réinsertion, la question de la récidive et de la sécurité de la société reste entière. 

Le rapport 2023 de la Cour des comptes dénonce la tension persistante entre la population carcérale et une politique d’exécution des peines qui interroge : courtes peines – 23 %, durée d’incarcération + 24 % et détention provisoire + 30 %, 

Les mesures alternatives à la prison doivent être développées avec plus de lieux d’accueil et plus de conseillers d’insertion et de probation, d’éducateurs spécialisés. La Cour des Comptes, qui n’est pas une institution fantaisiste, recommande un dispositif statistique permettant de suivre l’évolution comparée des personnes bénéficiant d’un aménagement de peine et de celles effectivement incarcérées. Nous devons étayer nos dires par une évaluation rigoureuse des orientations alternatives de la politique pénale. Sans ces chiffres, en vue de permettre une évaluation rigoureuse des orientations successives de la politique pénale, nous ne pourrons pas convaincre l’opinion de sortir du tout enfermement. Je vous repose donc la question, monsieur le Ministre, mettrez-vous en place un tel dispositif ? 

Enfin, une demande renouvelée sur l’aide juridictionnelle 

Les crédits augmentent sans résoudre pour autant la grande question de l’accès financier à la justice. La Cour des comptes relève un manque de pilotage. 

Nous demandons toujours que les enfants de l’Aide sociale à l’enfance puissent bénéficier de l’assistance systématique d’un avocat. En commission des Lois, vous m’aviez indiqué que les barreaux pouvaient être destinataires de dotations complémentaires. Le débat nous permettra d’y voir plus clair ; cette réponse a intéressé nombre de barreaux.  

Telles sont quelques-unes de nos observations sur une mission dont nous reconnaissons et saluons la majoration des crédits. Et si nous ne nous opposons pas à cette mission, nous rappelons ici que les grandes questions que nous posions en introduction, devront à nouveau faire l’objet d’un débat."

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