#AvenirDesInstitutions - Revue de presse



Interview France Info du vendredi 2.10.2015 :  

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Article du Monde du 1.10.15 :


Dix-sept propositions pour surmonter la crise démocratique













Le diagnostic est posé depuis un moment, résultats des élections, taux d’abstention et études d’opinion à l’appui : notre système démocratique est en souffrance. A chaque scrutin, les hommes et les femmes politiques semblent s’éloigner de plus en plus des citoyens et de leurs préoccupations. Comment rétablir le lien ? En réformant profondément notre Constitution, répondent les membres du groupe de travail sur l’avenir des institutions, qui publient leur rapport (tome 1 en PDF), vendredi 2 octobre, après près d’un an de travail. Une mission d’information voulue par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui l’a coprésidée avec l’historien Michel Winock.
Sous l’intitulé « Refaire la démocratie », les 23 membres ont dressé une liste de 17 propositions pour répondre aux maux de notre système, qui sont multiples : confusion des rôles entre le président de la République et le premier ministre, déséquilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, lourdeur de la loi et de son élaboration et insuffisante représentation du peuple, dans le débat comme dans les assemblées. Les distinctions sur ces sujets « traversent les formations politiques », et ce sera «  à chacun des futurs candidats de se saisir des différentes propositions », a jugé M. Bartolone lors d’une conférence de presse vendredi.



Le premier sujet est probablement l’un des plus délicats à traiter car il aborde la question de la responsabilité politique et de l’exercice du pouvoir, inégalement répartis entre le président, puissant mais irresponsable, et le premier ministre, responsable mais impuissant. Pour y remédier, le groupe de travail propose de redéfinir le rôle du chef de l’Etat en le centrant davantage sur ses fonctions d’arbitre et sur des enjeux de long terme.
Dans ce but, la méthode suggérée par 16 des 23 membres est un passage à un mandat présidentiel de sept ans non renouvelable pour permettre au président de sortir du « jeu des partis » et de son « rôle d’éternel candidat à la réélection ». Cette mesure était loin d’être partagée par tout le monde a priori, notamment par M. Bartolone, qui était réticent à l’idée que le président n’ait pas à rendre compte de son mandat devant les électeurs au terme de celui-ci.
En outre, pour renforcer la responsabilité de l’exécutif, le groupe de travail propose que le chef de l’Etat vienne débattre avec les députés et se soumette à leur vote avant les conseils européens. De son côté, le premier ministre continuerait d’exister, contrairement à ce que souhaitait initialement M. Bartolone, mais il verrait sa légitimité renforcée en faisant systématiquement investir tout nouveau gouvernement par un vote de l’Assemblée. Certains souhaitaient aller plus loin, en accordant aux parlementaires un droit de révocation des ministres.

Le rôle du Sénat en débat

Toujours dans un souci de clarification des rôles, les chargés de mission se sont penchés sur le cas du Sénat. Si presque tous s’accordent à dire qu’il faut réformer l’institution pour ne plus en faire la jumelle de l’Assemblée, aucun consensus évident ne se dégage, et en tout cas pas celui d’une fusion avec le Conseil économique, social et environnemental, souhaitée entre autres par le président de l’Assemblée nationale. En revanche, les membres du groupe de travail proposent de faire subir le même sort aux sénateurs qu’aux autres élus, à savoir limiter le nombre de leurs mandats dans le temps, à trois identiques successifs. Une mesure réclamée depuis un moment par plusieurs élus − surtout parmi les jeunes −, mais qui avait été écartée par l’exécutif et continue de diviser les parlementaires, M. Claude Bartolone craignant un « transfert du pouvoir politique vers l’administration ».

A l’instar de plus en plus de responsables politiques de tous bords, le groupe de travail recommande par ailleurs de réduire le nombre des parlementaires, de 348 à 200 pour les sénateurs et de 577 à 400 pour les députés. Le tout à moyens constants, afin d’offrir de meilleures conditions de travail aux élus. Moins nombreux, les parlementaires auraient davantage leur mot à dire dans le débat ; ils pourraient ainsi user d’un « droit de réplique » après avoir posé une question au gouvernement, comme ce fut le cas de 1981 à 1983. Surtout, ils pourraient déposer des amendements qui auraient pour conséquence de créer des nouvelles dépenses, ce qui leur est pour le moment interdit en vertu de l’article 40 de la Constitution.
Toujours dans un souci de rééquilibrage, la mission d’information avance également des propositions pour contenir la frénésie législative du gouvernement, en lui interdisant par exemple d’amender ses projets de loi ou, a minima, de soumettre ses amendements à un délai de dépôt, pour laisser le temps aux députés de les étudier. Les lois en seraient ainsi plus légères et donc plus rapides à examiner ; d’autant qu’il est également proposé de systématiser une forme de procédure accélérée pour chaque texte et de mieux encadrer le droit d’amendement en séance publique, afin d’éviter les doublons avec le travail en commission.

« Paralysie institutionnelle »

Sur la question de la représentativité, le groupe de travail s’est, sans surprise, focalisé sur la question de la proportionnelle, une grande majorité des membres penchant en sa faveur. L’une des deux parlementaires de droite, Marie-Jo Zimmerman (Les Républicains, Moselle), s’est même dite favorable à l’introduction d’une dose de proportionnelle, tandis que son collègue Bernard Accoyer (LR, Haute-Savoie), président de l’Assemblée de 2007 à 2012, a dit son hostilité, estimant qu’« à faible dose la proportionnelle peut être source d’instabilité parlementaire », et qu’« à forte dose elle est pratiquement toujours synonyme de paralysie institutionnelle ». Deux solutions sont tout de même avancées dans le rapport : calquer les législatives soit sur le modèle des régionales et des municipales (proportionnelle à deux tours avec prime majoritaire) soit sur un système plus complexe combinant scrutin proportionnel et majoritaire avec prime personnalisée.
Quant au manque de représentation des citoyens dans le débat, il a été traité de manière beaucoup plus simple par le groupe de travail qui prescrit deux remèdes connus : référendum et démocratie participative. Pour le premier, l’idée serait notamment d’élargir son champ d’application pour ne plus le restreindre aux lois portant sur l’organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale ou sur la ratification d’un traité. D’un autre côté, le dépôt d’amendements citoyens lors du débat à l’Assemblée serait expérimenté et les « ateliers législatifs citoyens » seraient également développés, sur le modèle de ce que font déjà certains élus dans leur circonscription, comme la socialiste Cécile Untermaier en Saône-et-Loire.
Ce ne sont donc pas les idées qui manquent dans ce rapport de 160 pages destiné à répondre aux maux de notre démocratie. Mais ce ne sont pas non plus les rapports sur le sujet qui font défaut, produits à intervalles réguliers depuis plus de vingt ans par des commissions diverses. Reste à savoir si le fait qu’une telle mission ait été réunie pour la première fois par le Parlement, et non par l’exécutif, changera la donne future.



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