Adoption de la loi sur le Parquet européen et la justice environnementale

Adoption de la loi sur le Parquet européen et la justice environnementale

Après une Commission mixte paritaire (CMP) conclusive sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice spécialisée, le texte a été discuté en séance publique mercredi et adopté.

La position du groupe ⬇

"Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame la Rapporteure

Mes chers collègues,

1- S’agissant du Parquet européen, le texte dont nous discutons depuis plusieurs semaines est l’aboutissement d’un travail de plus de 20 ans. C’est une belle avancée institutionnelle et d’évidence, le Parquet européen est l’institution utile pour lutter contre la fraude fiscale pour les crédits européens.

Cette nouvelle juridiction, intégrée dans notre système national, pose le principe de l’indépendance du parquet et plus que jamais la question du statut du parquet français.

Le Parquet européen pourra être le vecteur d’un ensemble de normes et de valeurs dont pourront s’inspirer certains Etats membres de l’UE, dont le système judiciaire nous inquiète. Je pense notamment à la Pologne et la Hongrie. Bien que ces Etats ne soient pas engagés dans ce processus, il est opportun d’espérer un cercle vertueux.

 

2- S’agissant ensuite de la justice spécialisée et plus spécifiquement de la justice pénale environnementale, il s’agit là du résultat d’une indigente activité judiciaire, en lien avec un budget insuffisant mais aussi, ceci expliquant aussi cela, avec une société qui tarde à placer au cœur de ses préoccupations l’enjeu environnemental.

a) La justice spécialisée est présentée comme une première réponse à la complexité du droit de l’environnement. Soyons vigilants sur le fait qu’elle ne fasse pas l’objet de convoitises de la part des lobbies. Nous connaissons leur capacité à s’organiser autour de pôles ainsi identifiés. La vigilance s’impose à ce sujet.

b) La convention judiciaire d’intérêt public proposée par le texte a été au centre de nombreux débats. Elle a démontré son efficacité et son pragmatisme en matière fiscale. Nous l’avons mise en place dans le cadre de la loi Sapin II.

Il ne s’agit pas ici de rattraper des fraudes fiscales mais de réparer l’atteinte à un bien commun que constitue l’environnement, une atteinte irréversible.

La CJIP méritait donc plusieurs adaptations afin d’ôter son caractère opaque à une situation qui mérite la transparence et la pédagogie.

Ainsi, nous regrettons que les associations de protection de l’environnement agréées, dont l’expertise aurait pu éclairer le magistrat, ne soient pas entendues par le Procureur avant d’engager les négociations. Un décret aurait permis cette organisation.

La publicité des conclusions de la CJIP, proposée par un amendement du groupe, aurait été une façon de suppléer à une audience qui n’a pas lieu et répondait à une volonté de pédagogie et de prévention.

c) La création de la justice spécialisée est un premier pas. Nous restons sur notre faim, au regard de l’urgence climatique et des préoccupations des nouvelles générations.

Le rapport « Justice et environnement » dont ce premier texte de loi s’est inspiré, comporte des propositions tout à fait opportunes, qui ont fait l’objet d’ailleurs d’amendements de notre part. Il en est un qui devrait prospérer, il me semble, il s’agit de la création d’un référé judiciaire spécial en matière environnemental, outil précieux pour suspendre les risques d’atteintes graves, à l’environnement. Nous y travaillons et vous le proposerons dans un texte à venir.

 

3- Enfin, l’article 12 relatif aux professions réglementées est l’article du renoncement. Renoncement parce que nous avions une toute autre ambition dans le cadre de la loi Macron que les conventions volontaires obligatoires, renoncement au surplus parce que sur la base de cette proposition du Gouvernement, nous considérions indispensable que ce dispositif fasse l’objet d’un texte réglementaire fixant avec la profession, les règles élémentaires de ce fonctionnement, de sorte de la protéger des conséquences anti-concurrentielles.

La majorité aurait dû être en soutien de la loi de l’ancien ministre de l’Economie, aujourd’hui Président de la République, elle a supprimé, modifiant ainsi le texte du Sénat, la seule entrée réservée à l’Autorité de la concurrence.

J’ai le souvenir d’un rapport de l’inspection des finances qui n’avait pas faire plaisir à la profession et qui a commandé le texte de 2015. Il ne me semble pas que le renoncement soit le meilleur moyen d’éviter un nouveau traumatisme.

Globalement, le texte recueille notre adhésion. Le parquet européen est une avancée, tant sur le plan de la fraude fiscale, que de l’alignement de systèmes judiciaires des Etats européens. La spécialisation de la justice est un signal fort de notre volonté d’adresser les préjudices environnementaux. Nous espérons qu’il s’agit là de prémices de la justice environnementale et que nous poursuivrons sur cette lancée ; les citoyens et notamment les jeunes générations nous y attendent. Je finirai par ces mots d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies : « L’urgence climatique est une course que nous sommes en train de perdre, mais nous pouvons la gagner. »

Cécile untermaier

Le 16 décembre 2020

A lire aussi