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Mon explication de vote sur les projets de loi Justice

Mon explication de vote sur les projets de loi Justice

Après un mois et demi de débats, l'Assemblée nationale a voté mardi dernier le texte d'orientation et de programmation de la Justice et celui réformant l'accès à la magistrature. Les deux textes ont été adoptés. Une commission mixte paritaire sera convoquée à la rentrée prochaine pour discuter des dispositions faisant l'objet de désaccords entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

Mon explication de vote sur ces deux textes

"Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Messieurs les Rapporteurs, Chers collègues,

Nous achevons ce jour deux semaines de débat. Le long examen du rapport annexé traduit le besoin de revoir le couperet des articles 40 et 45, lame de dissuasion au débat parlementaire et l’intérêt que nous devons porter à une annexe sans portée normative. 

Nous avons tous conscience de l’état de délabrement du système judiciaire français, de la souffrance de ses professionnels, dont le métier digne et exigeant, perd de son sens au regard des difficultés tant matérielles que judiciaires qui détournent le justiciable de cette institution. 

Je remercie des rapporteurs, Jean Terlier, Erwann Balanant, Phillipe  Pradal, de leur aide à touver parfois des compromis avec le Gouvernement. Cela a été particulièrement vrai sur les questions statutaires et déontologiques du projet de loi organique avec Didier Paris. 

I Ces textes doivent porter l’espérance d’une réforme systémique de l’institution judiciaire, telle que l’a exprimé Jean-Marc Sauvé, président des Etats généraux de la Justice.

-Par une programmation budgétaire indispensable, avec 2 milliards supplémentaires d’ici 2027 et la création de 10.000 emplois, dont 1.500 magistrats et 1.500 greffiers. Certains d’entre-nous n’y croient pas. Pour ma part, je considere que cette programmation será vérifiée par nos soins chaque année  dans le cadre de la loi de Finances. D’ailleurs, à cette fin, nous avons obtenu par voie d’amendement qu’au 30 avril de chaque année, un rapport soit  remis au parlement, sur les crérations d’emplois et de la consommation des crédits.. Nous y vérifierons  aussi l’efficacité de la nouvelle politique numérique, deuxième point sombre du système judiciaire français. 

-Par des modalités de travail profondément modifiées en ce qu’elles devront désormais s’appuyer sur une véritable équipe autour du magistrat, associant au premier chef, les attachés de justice et nous le demandons avec insistance, les greffiers. L’ouverture de la magistrature à d’autres professionnels, des connaisseurs du droit, devrait permettre nous l’espérons, l’augmentation attendue du nombre de magistrats et l’apport toujours riche de leur propre culture dans cette profession. Le PLO dispose de mesures fortes en ce sens. 

-Par la simplification de l’accès au droit, la réorganisation du code de procédure pénale, et le renforcement des droits de la défense et du contradictoire. 

-Enfin, si la justice est assise sur le socle constitutionnel de son indépendance, il est essentiel pour notre démocratie d’y veiller. Gardons en mémoire l’exemple de la Pologne et de la Hongrie. Pour autant, l’indépendance ne signifie pas l’indifférence. La responsabilité renforcée des magistrats devant le CSM, la réaffirmation de leur liberté syndicale, et l’inscription dans la loi des conseils de juridictions avec la participation de l’ensemble des parlementaires du ressort, participent de cette exigence. Le rôle local du député c’est aussi de connaitre l’effet sur le terrain des lois qu’il a votées. 

II Mais une réforme systémique qui trouve ici ses limites

-Avec la question de la surpopulation carcérale. Le discours démagogique du tout enfermement a trouvé plus d’écho dans le Gouvernement que notre proposition très partagée à gauche et au centre de l’hémicycle d’une avancée vers une régulation carcérale efficace tant pour la dignité des détenus que pour lutter contre la récidive. Je passe sur l’épisode, aussi pitoyable que ridicule d’une annonce surprise de 3000 places de prisons supplémentaires dans le rapport annexé.. A se demander s’il ne s’agissait pas finalement des 3000 places qui seront péniblement réalisées sur les 15 000 promises depuis 2017.  

-Avec l’incohérence de supprimer le juge du cœur des litiges, au travers de deux mesures : celle relative aux saisies sur rémunération, fort heureusement supprimée , à ce stade, par vote majoritaire en séance publique  ou celle étendant le champ de compétence des tribunaux des activités économiques, sans pour autant prévoir la présence d’un  juge assesseur professionnel. Extension à un secteur agricole qui plus est, très satisfait du travail des magistrats du tribunal judiciaire. 

-Avec les nouvelles techniques spéciales d’enquête. Nous avons voté contre cet article et nous continuons à dire ici notre opposition, au regard du risque de surutilisation de l’outil et l’absence de contrôle. Le dispositif actuel est suffisant. Et, ce que veulent les procureurs, c’est d’abord de pouvoir mobiliser les services d’enquête judiciaires, ce que ne leur permet plus la réforme engagée par la loi de programmation budgétaire du ministère de l’Intérieur. 

Notre souci sera toujours de conforter le rôle du JLD si la nécessité impose le recours à de nouvelles techniques. 

-Enfin, nous regrettons l’absence d’approche globale sur la médiation et la promotion dans le texte de la justice restaurative. Le texte ne parle pas non plus des juridictions sociales et des Prud’hommes qui opposent des délais de plus de 5 ans, voire dix ans en appel, et dont les jugements ne sont produits que plus d’un an après le délibéré, un jugement qu’il n’est pas rare nous dit-on de constater qu’il a été écrit par l’un des avocats de la partie.

III Conclusion 

Nous partageons tous le souci de répondre à l’attente des personnels de juridiction, comme des justiciables, qui souffrent de l’état délabré de l’institution. Je reconnais l’effort financier et je n’ai pas de doute à ce jour sur le caractère effectif des crédits qui seront mobilisés. La déception serait immense. Nous avons un engagement de par la loi de programmation qui doit être respecté. Et, parce que la réforme systémique nous semble aller dans le bon sens, nous serons donc une majorité de députés de notre groupe à nous abstenir, pour permettre à ce texte de prospérer. D’autres, au regard des dispositions de l’article 3 qu’ils redoutent liberticides et des réserves évoquées plus haut, voteront "contre" le texte de loi ordinaire. 

En revanche, l’ensemble du groupe votera "pour" le texte de loi organique. 

Je vous remercie."

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