Réunion préparatoire sur le Pacte vert dans le cadre de l'assemblée parlementaire franco-allemande

Réunion préparatoire sur le Pacte vert dans le cadre de l'assemblée parlementaire franco-allemande

Une réunion sur le droit de l’environnement s’est tenue ce jeudi 4 juin à laquelle était conviés d’éminents spécialistes de la question :

  • Kristina Rabe, membre d'IMPEL (Réseau de l'Union européenne pour la mise en œuvre et l'application du droit de l'environnement) et du ministère de l'environnement allemand
  • Sébastien Mabile, avocat et enseignant à Sciences-Po, lequel travaille particulièrement sur le volet justice spécialisée et création de tribunaux pour l'environnement
  • Kirk Junker, professeur à l'institut de droit franco-allemand, spécialisé en droit international de l'environnement et droit de l'Union européenne.

La rencontre avait pour objet d’identifier les points d’orientation pour le groupe de travail en matière de droit de l’environnement en lien avec le pacte vert pour l’Europe, dans le cadre de l’assemblée parlementaire franco-allemande. Les échanges se sont organisés autour de trois axes principaux : comment améliorer l’application du droit à l’environnement et l’accès à la justice environnementale, la question de la création d’une juridiction spécialisée et la lutte contre la criminalité environnementale.

I Comment améliorer l’application du droit à l’environnement et l’accès à la justice environnementale ? 

-La multiplication des normes et le manque de lisibilité posent un problème démocratique d’accès au droit pour le citoyen. La convention d'Aarhus vise à assurer l’accès à l’information environnementale, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Cependant, elle reste encore mal appliquée en France.

-Les normes juridiques environnementales souffrent d’un défaut d’efficacité et d’effectivité. L’objectif de clarté doit être poursuivi, en s’articulant autour de l’impératif de la non-régression de la norme, principe à la base du droit de l’environnement. Il prévoit que "la protection de l'environnement (...) ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante". Aucune mesure ne doit avoir pour effet une dérégulation. 

-Le manque d’agents dans les administrations et de magistrats qualifiés dans les juridictions est un frein à l’application de ce droit. Traiter ce contentieux complexe nécessite-t-il la création de juridictions spécialisées ? Doit-on envisager des juges compétents au civil et au pénal ?

-Le manque de ressources humaines et matérielles (recours aux expertises) est constaté dans tous les pays de l’Union européenne et doit être sérieusement considéré.

II La question de la création d’une juridiction supranationale spécialisée en la matière dans le domaine pénal :

La création d’une Cour pénale internationale ou européenne en matière environnementale représenterait un signal fort de la prise de conscience des enjeux climatiques et de la protection de la biodiversité. Les dommages écologiques étant pour bon nombre d'entre eux transfrontaliers, une approche supranationale est pertinente. Quand bien même les dommages sont localisés, la chaîne des responsabilités implique bien souvent des acteurs dépassant les frontières nationales. 

Une telle évolution supposerait de reconnaître un 5ème crime international, "le crime d'écocide", sur lequel la Cour aurait un pouvoir juridictionnel, auprès des quatre autres crimes définis dans le statut de Rome.

Le champ d’action de la Cour pénale internationale, en l’état, est limité car elle a vocation à poursuivre les personnes physiques et non les personnes morales et les Etats, alors que ces deux derniers sont les principaux responsables de dommages environnementaux

Une autre option serait la mise en place d’une Cour européenne de justice pour l’environnement qui permettrait aux citoyens de disposer d’un dernier recours dans le cas où ils auraient épuisé les juridictions nationales de leur pays. Un tel projet serait gage de l’engagement de l’Union européenne et de la Commission, qui a récemment publié sa stratégie pour la biodiversité.

III Comment mieux lutter contre la criminalité environnementale ?

La criminalité environnementale n'est que trop peu sanctionnée aujourd’hui. Les externalités négatives causées par une activité dommageable sont supportées essentiellement par la société en dépit du principe du pollueur-payeur, qui dans la réalité, est peu appliqué. 90% des dommages ne sont pas réparés. Et quand les peines sont prononcées, celles-ci sont insuffisamment dissuasives et proportionnées au préjudice. Les violations du droit de l’environnement sont souvent ignorées pour donner la primauté à l’activité économique.

Finalement, le problème devrait être traité plus en amont et répondre davantage au principe de précaution, car un retour à l’état antérieur n’est jamais réellement possible. En ce sens, il serait intéressant de travailler sur la judiciarisation de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). L’appréhension des multinationales, l’extension du devoir de vigilance au niveau européen, la judiciarisation des comportements qui ne sont pas conformes, sont autant d’outils qu’il nous faut prendre en compte pour prévenir plus que guérir.

La conclusion de cet entretien a été la volonté exprimée de  poursuivre ces investigations au sein d’un groupe de travail en lien avec l’Assemblée parlementaire Franco-allemande,la société civile, les universités, les praticiens du droit et les parlementaires.

Cécile Untermaier

Le 5 juin 2020

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