La réforme de la justice des mineurs examinée

La réforme de la justice des mineurs examinée

Le Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, n° 2367 ( PDF), déposé le 30 octobre 2019, a été examiné en première lecture par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, cette semaine. 

L'ordonnance en question réforme le code de la justice pénale des mineurs, laquelle devait initalement entrer en vigueur en octobre 2020. Du fait de la crise de la Covid19, son entrée en vigueur est, pour l'heure, finalement prévue pour mars 2021.

Le texte a suscité beaucoup d'émoi tant sur le fond que sur la forme. En effet, il est regrettable qu'une ordonnance, qui plus en est, en procédure accélére, ait été choisie comme véhicule législatif sur un sujet aussi important qu'est la justice des mineurs. Les professionnels du droit et de la protection de l'enfance, déplorent par ailleurs l'absence de concertation dans l'élaboration de l'ordonnance.

Mon intervention en Commission des lois sur le projet de loi : ⬇
 

 

Monsieur le Ministre,

Madame la Présidente,

Monsieur le Rapporteur,

Mes cher-es collègues,

1) Vous n’êtes pas sans savoir qu’une tribune signée par 200 personnalités a été publiée ce matin, dénonçant le choix de légiférer par ordonnance, qui plus est en ayant recours à la procédure accélérée, sur un sujet aussi important que la justice des mineurs. Le ministère s’apprêterait à saisir le Conseil d’État sur la partie réglementaire, avant même le vote de la partie législative. Nous avons regretté le choix inopiné du gouvernement par amendement en séance publique, de traiter cette question majeure de société, par voie d’ordonnance.

2) Le manque de moyens de la Justice a été régulièrement dénoncé. L’alternative à la prison implique le recrutement et la formation de très nombreux conseillers et éducateurs et la mise en place de structures d’accueil, il faut des moyens et le temps nécessaire à la formation.  Je rends hommage au travail de tous ces professionnels. C’est grâce à cet engagement que la réponse pénale est apportée à 93% pour les mineurs contre 85% pour les majeurs.

3) Nous avons tous le regret que le code de la justice civile et pénale des enfants et adolescents n’ait pu voir le jour car les liens entre l’Aide sociale à l’enfance et la justice pénale sont très importants. Rappelons que les juges des enfants sont compétents au civil et au pénal.

4) vous aviez affirmé, Monsieur le Ministre, lors d’un déplacement à Dijon le 2 septembre dernier que « les chiffres sont clairs, la délinquance des mineurs n’a pas augmenté dans notre pays depuis dix ans. » Si la part des mineurs dans la délinquance générale reste en effet globalement stable, en dessous de 20 %, il ressort des auditions que nous avons menées, une montée en puissance de la violence et de faits graves. Les mineurs, de plus en plus jeunes, sont également souvent utilisés comme petites mains en matière de criminalité organisée.

Sur le fond :

a) La législation française est l’une des plus répressives en Europe. Près de la moitié des sanctions prononcées à l'égard des mineurs sont des peines, alors que les mesures éducatives devraient être majoritaires au regard des principes internationaux. Hormis la Grande-Bretagne, la France est le pays qui incarcère le plus les mineurs, engendrant un embouteillage des affaires.

b) La mission d’information menée conjointement avec Jean Terlier en 2019, a permis de mener une réflexion sur les axes d’amélioration de la réponse à la délinquance des mineurs, et de poser également la question de la procédure et de la césure. Certaines préconisations ont été prises en compte par l’ordonnance de 2019. Outre les moyens humains et matériels massifs dont nous avons parlés, des efforts sont encore à mener pour permettre au juge et aux avocats de s’emparer de ce dispositif sans trop de difficultés procédurales, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.  Par ailleurs, le manque de données statistiques permettant d’évaluer l’efficacité des mesures prises est un problème récurrent sur lequel nous porterons une attention particulière.

c) La question de la responsabilité pénale à 13 ans, que j’avais proposée dans le rapport, fera l’objet d’un amendement de mon groupe tendant à en retenir le caractère irréfragable.  

d) Le groupe rappelle enfin que derrière le terme de « mineur », il s’agit d’enfants et d’adolescents avant tout livrés à eux-mêmes et en danger pour certains, lesquels sont les révélateurs de profondes défaillances de leur prise en charge et des fractures de la société.

En conclusion, la justice des mineurs c’est aussi une question de parcours qui implique que l’on se préoccupe de l’enfant et de l’adolescents dans de multiples directions : l’éducation et le décrochage scolaire dont le lien est évident avec la jeunesse délinquante (l’exclusion ne devrait jamais s’accompagner de la suppression des listes d’un établissement scolaire), la santé, le soutien aux familles, le maintien de l’éducateur référent dans la sortie des 18 ans.  La justice des mineurs ne se réduit pas à un code et comme l’affirmait Christiane Taubira, « c'est une justice qui doit prononcer des mesures éducatives, y compris dans les sanctions qui doivent avoir valeur éducative. Et nous travaillons de plus en plus sur l'idée de parcours parce que ce qui est important, c'est que la société prenne en charge le mineur ».

Cécile Untermaier, le 1er décembre 2020

Le groupe a déposé une trentaine d'amendements. Toutefois, l'amendement visant à supprimer la possibilité de déroger au principe de l'assistance d'un avocat en audition unique a été adopté et celui rappelant la fidélité aux principes énoncés par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), sera repris par le Gouvernement.

Le texte sera discuté en séance publique la semaine prochaine, puis déposé au Sénat.

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