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Réforme de la police nationale : les inquiétudes du monde judiciaire et policier

Réforme de la police nationale : les inquiétudes du monde judiciaire et policier

Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur a été présenté en Conseil des ministres la semaine dernière, et une mesure, inscrite au rapport annexé au projet de loi, inquiète particulièrement la police judiciaire et les magistrats.  

Le Gouvernement prévoit de créer des directions départementales de la police nationale (DDPN), pilotant les effectifs de la sécurité publique, de la police aux frontières, du renseignement territorial et de la police judiciaire. L’objectif affiché est de décloisonner le fonctionnement de la police en passant d’une organisation en « tuyaux d’orgue » à une mutualisation des services. 

Ce dispositif, expérimenté depuis janvier 2022 dans certains territoires, est censé être généralisé au 1er janvier 2023, avant même de connaître les résultats de l’expérimentation. Pourtant, les acteurs du monde policier et judiciaire nous ont d’ores et déjà fait part de leurs craintes. 

1/ Cette réforme pose la question de l’indépendance de la Justice. La police judiciaire, qui traite des infractions de grande ampleur, dépend à ce jour uniquement du procureur de la République. Elle ne peut être placée sous l’autorité du préfet. La préservation du secret des enquêtes et la direction de ces dernières par les magistrats, à ce jour libres du choix des formations policières, sont donc remises en question. 

2/ Par ailleurs, la qualité du travail de la police judiciaire, aujourd’hui reconnue, est en péril. La réforme veut faire des policiers des généralistes alors qu’ils sont aujourd’hui spécialisés. Une direction unique de ces services risque d’engendrer une perte de savoir-faire, des erreurs si les policiers sont mobilisés sur des situations qui initialement de relèvent pas de leur compétence, et par conséquent une fuite du personnel qualifié qui perd le sens de son métier.

Les chiffres d’élucidation de la petite délinquance, ceux relatifs à la sécurité publique et les moyens attribués n’étant pas totalement satisfaisants, les policiers de la PJ seront très probablement sollicités pour les affaires de petite délinquance et de sécurité publique au détriment de la lutte contre la grande criminalité.

Au surplus, le décalage entre les affaires de grande délinquance, transfrontalières, et la départementalisation des services de police risque d’entraver le travail. En voulant décloisonner la police, la réforme la fracture territorialement.

3/ Des effets contre-productifs sont à craindre, avec un « ruissèlement » de la délinquance. Le délaissement de la lutte contre la grande délinquance aura des répercussions à terme sur la petite délinquance et la sécurité publique. De même, faute de temps pour aboutir à des enquêtes de qualité par la PJ, les coupables seront relâchés plus vite.

A moyens constants, la réorganisation du pilotage de la police ne sera pas suivie des effets escomptés. Compte tenu de la gravaité de cette situation, une tribune à laquelle j'ai largement contribuée, sera publiée dans les prochains jours.

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