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Un budget en hausse mais des questions en suspens sur les recrutements

Un budget en hausse mais des questions en suspens sur les recrutements

L’article premier du projet de loi répond en partie à l’objectif de réforme systémique que le comité indépendant des Etats généraux de la Justice appelait de ses vœux, grâce à une hausse budgétaire substantielle : une progression de 21 % du budget à l’horizon 2027, soit une hausse du budget de 60% sur les deux quinquennats. 

Sur le sujet des recrutements, des questions se posent cependant. 10 000 emplois supplémentaires sont prévus d’ici 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, ainsi qu’un nombre substantiel d’assistants du magistrat. 

Toutefois, l’étude d’impact est muette sur l’origine de ces personnels supplémentaires et leur ventilation. 

Mon intervention

1/ L’origine de ces personnels

-Sur les magistrats : Vous envisagez une augmentation du nombre d’auditeurs de justice. L’actuelle promotion est la plus importante de l’histoire de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), comme vous l’avez rappelé lors de votre discours en janvier dernier, avec 360 auditeurs de justice. Et, vous en prévoyez 470 à compter de 2024. (Donc d’ici 2027 : 2240 nouveaux auditeurs de justice). 

→ Ces objectifs seront-ils tenus ? Comment l’ENM s’organisera-t-elle pour accueillir ces nouveaux auditeurs ? Les nouveaux locaux prévus seront-ils réellement effectifs en 2024 pour les futures promotions ? Pouvez-vous garantir que les conditions seront propices à un enseignement de qualité ? Le nombre d’enseignants suivra-t-il ? 

→ Quelle est l’augmentation réelle du nombre de magistrats ? Les 1500 magistrats supplémentaires couvrent-ils les départs à la retraite, auquel cas, l’augmentation nette devrait être revue à la baisse. 

-Sur les greffiers : Il est également prévu 1500 greffiers supplémentaires. L’Ecole nationale des greffes à Dijon accueille trois promotions de près de 300 élèves chaque année. Soit sur 5 ans, 1500 greffiers, sur la base actuelle du nombre d’élèves par promotion. Vous en souhaitez donc le double d’ici 2027.  Pourtant, en 5 ans, entre les jeunes diplômés et les départs à la retraite, la profession n'a gagné que 450 greffiers. C’est insuffisant, nous avons en France 7% de postes vacants dans les services judiciaires. Le recrutement de 1500 greffiers supplémentaires permettra seulement de combler les postes vacants. Nous sommes loin des standards européens concernant les personnels de greffe : certains pays européens en ont 39 000, en France, nous en sommes à 22 000. 

-Sur les 7000 restants : vous faites le choix de contractuels, comme le rappellent les syndicats. Nous restons donc dans la logique des « sucres rapides ». Certes, il y a un effort pour les cinq ans à venir mais ce n'est rien par comparaison à la LOPMI qui prévoit 15 milliards de plus pour les cinq ans à venir.

2/ La ventilation de ces personnels

Selon l’étude d’impact, le texte augmente le budget de l’ensemble des programmes de la missions « Justice », y compris la mission « administration pénitentiaire » et la mission « protection judiciaire de la jeunesse ». 

Mais rien n’est dit de la répartition budgétaire et des personnels. 

Combien d’effectifs supplémentaires seront attribués à la protection judiciaire de la jeunesse, notamment aux éducateurs ?

La mission d’information sur le Code de justice pénale des mineurs (CJPM) montre à quel point la réforme du code est exigeante dans un contexte de manque de moyens et de personnel. Outre l’effort consenti pour résorber le stock des procédures engagées sous l’empire de l’ordonnance de 1945, les délais imposés par la nouvelle procédure et la généralisation de la césure pénale qui a pour effet de doubler le nombre d’audiences, soumettent les effectifs à une pression importante. 

Combien d’effectifs supplémentaires seront attribués aux services d'insertion et de probation (SPIP) ?

6736 personnels de SPIP en 2022, soit une augmentation de 21% depuis 2018, dont 3702 conseillers d’insertion et de probation (CPIP). 

Fin 2021, 166 235 personnes exécutaient leur peine en milieu ouvert. 1 CPIP est donc en moyenne disponible pour 47 personnes placées en milieu ouvert. Il est nécessaire de majorer les effectifs des SPIP pour sortir de la logique carcérale et développer les peines en milieu ouvert, reconnues pour améliorer la réinsertion.

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