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Les textes relatifs à la protection des lanceurs d'alerte examinés en séance publique

Les textes relatifs à la protection des lanceurs d'alerte examinés en séance publique

Après leur passage en commission des Lois, les propositions de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ont été examinées en séance publique mercredi.

Ces textes transposant la directive européenne de 2019 et actualisant ainsi les dispositions de la loi Sapin II de 2016, laquelle avait codifié leur statut et leur protection, constituent une avancée majeure, bien ques des évolutions soient encore souhaitables.

Rapporteure d'application, je suis intervenue en discussion générale:

"Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mes cher.e.s Collègues,

Le concept de lanceur d’alerte, arrivé tardivement en France, a été codifié de manière unifiée, il y a cinq ans seulement. Les deux propositions de loi qui nous sont présentées, transposant la directive européenne du 23 octobre 2019, constituent donc des textes très ambitieux. Il est cependant regrettable que le Gouvernement n’ait pas pris ses responsabilités sur ce sujet. 

I Ces textes entérinent des avancées majeures

1/ La proposition de loi améliorant la protection des lanceurs d’alerte réussit un exercice d’équilibriste, en articulant les acquis de loi Sapin II et la directive européenne. 

2/ Le champ d’application de la définition du lanceur d’alerte est élargi et donc plus protecteur : possibilité de signaler désormais une tentative de violation d’une norme -il s’agissait de l’un de nos amendements-, suppression du degré de gravité de la violation, ou encore de l’exigence de connaitre personnellement les faits. Un bémol néanmoins sur la notion de contrepartie financière directe, qui s’entend déjà, à notre sens, avec la notion de bonne foi. Elle tend à écarter les chasseurs de prime mais elle ne doit pas insuffler le doute sur une démarche d’alerte. La lanceuse d’alerte Francesca Haugen a bien précisé être rémunérée par des dons financiers en contrepartie de son engagement.

3/ La disparition de la hiérarchisation des canaux de signalement apporte plus de flexibilité. Bien que la voie interne soit privilégiée et que les grandes entités privées et publiques soient dans l’obligation de créer un canal interne, l’auteur du signalement du signalement pourra désormais passer directement par voie externe. 

4/ Le renforcement du régime de protection est également à saluer. Les personnes liées à l'auteur du signalement, à l’instar des facilitateurs, sont davantage protégées. Les sanctions pour représailles ou procédures bâillons, visant à faire obstacle aux lanceurs d'alerte sont plus dissuasives. 

II Mais tout n’est pas réglé et nous devons ouvrir la voie à des évolutions encore plus ambitieuses. 

1/ Une protection renforcée des lanceurs d’alerte passe par : 

-plus de soutien psychologique et financier, avec la création d’un fonds ad hoc, que nous ne pouvons proposer ici. Ce dernier permettrait de compenser les pertes de revenus immédiates et les frais liés aux procédures et ensuite d’indemniser la prise de risque et les sacrifices. Le texte attribue cette compétence aux autorités externes compétentes, pourtant incapables de mettre en place un tel dispositif. 

-une accélération du déploiement des canaux internes, notamment dans le service public, en peine. Des mesures plus contraignantes doivent être prises pour amener les administrations et les communes dans cette voie. 

-une protection plus efficiente des associations qui se substituent à un lanceur d’alerte, sur sa demande afin de rester anonyme. L’extension du régime de protection aux « facilitateurs » ne s’applique qu'aux personnes morales offrant une assistance juridique. Ce point n’est pas réglé. Se pose d’ailleurs la question plus générale de l’attribution du statut de lanceur d’alerte aux personnes morales et du régime de protection adapté

-des moyens humains et budgétaires suffisants pour que le Défenseur des droits puisse assurer sa mission de protection et développer des actions de sensibilisation pour rendre le droit d’alerte effectif. 

2/ Par ailleurs, la médiatisation de certains lanceurs d’alerte, qui se concentre davantage sur leur personnalité et les risques de représailles, ne doit pas faire passer au second plan le contenu même de l’alerte et l’effectivité de son traitement. 

En effet, créer des canaux de signalement, c’est bien, s’assurer que le traitement de l’alerte soit effectif, c’est mieux. Avec la transposition de la directive, les délais de retour seront désormais inscrits dans la loi. C’est une bonne chose. Cependant le texte reste muet sur l’exigence de qualité qui doit entourer ce retour d’information et sur l’obligation d’une décision motivée. Cela crée un déséquilibre des pouvoirs entre une autorité ou un service décidant qu’il y a lieu à suivre ou non et un lanceur d’alerte ne disposant pas de voie de recours auprès de ce service, à l’exception de la possibilité de saisir un canal externe, le Défenseur des droits ou de divulguer publiquement l’alerte. Au surplus, la qualité du traitement nécessitera une attention particulière à la formation des personnes en charge. 

3/ En outre, bien que certains jalons soient posés dans la définition, la réflexion déontologique doit accompagner le lanceur d’alerte, non pas pour le freiner dans sa démarche, mais pour lui permettre d’en apprécier toute la légitimité. Il serait ainsi utile d’identifier des référents déontologues. 

4/ De plus, le signalement d’alerte ne doit pas se substituer à un contrôle normal des administrations. Celui-ci est une composante de l’Etat de droit mais ne saurait devenir le pilier d’un contrôle interne dont la responsabilité revient à l’Etat. 

5/ Enfin, tout reste encore à faire dans la diffusion de la culture du signalement d’alerte. La loi Sapin II est toujours méconnue, cinq ans après son adoption, et le lancement d’alerte semble ainsi réservé à une minorité connaissant le droit et disposant de ressources financières pour mener à bien son action. La démocratisation de la procédure et les garanties qui s’y attachent, permettant à tout citoyen d’user de son droit d’alerte au service de l’intérêt général, sont un curseur de l’état démocratique d’un pays. 

C’est pourquoi nous voterons ce texte."

J'ai déposé, au nom du groupe, une trentaine d'amendements proposant de préciser davantage la définition du lanceur d'alerte, de clarifier et consolider les procédures relatives aux canaux de signalement, de renforcer la protection due aux lanceurs d'alertes, avec une attention particulière aux personnes morales. Quatre de ces amendements ont été finalement adoptés.

Les deux textes ont été adoptés à l'unanimité.

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