DEPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI RELATIVE AU PRINCIPE DU DROIT AU REPOS DOMINICAL ET AUX POSSIBILITÉS D’Y DÉROGER POUR LES GRANDES SURFACES À DOMINANTES ALIMENTAIRES DEPOSEE PAR CECILE UNTERMAIER




-Exposé des motifs -
                                                           


Le 10 août 2009, Nicolas Sarkozy faisait adopter par sa majorité parlementaire une loi prévoyant de nouvelles dérogations au principe du repos dominical. Le régime dérogatoire de cinq dimanches par an auquel étaient soumises les grandes surfaces dès lors qu'elles ne proposaient pas à la vente exclusivement des produits alimentaires a été remplacé par un régime de plein droit d’ouverture le dimanche matin de ces mêmes grandes surfaces. Ainsi, sans examen particulier, sans étude d'impact social et économique, les lois des 21 janvier 2008 et 10 août 2009 ont mis en place un régime de "liberté dominicale" pour le petit commerce et les grandes surfaces à dominante alimentaire, avec en prime pour ces dernières, le fait de n’avoir plus l’obligation de majorer le salaire de leurs agents.

            Deux arguments, de nature économique, ont été avancés par les promoteurs de cette réforme :

- D’une part, l’ouverture des commerces le dimanche permettrait d’accroître la consommation des ménages et développerait en conséquence la croissance économique ;
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- D’autre part, la majoration du taux horaire pour les salariés travaillant le dimanche permettrait une augmentation du pouvoir d’achat, et par voie de conséquence une amélioration sensible des conditions de vie.

Alors que les effets économiques escomptés se font encore attendre (I), plusieurs études font apparaître les conséquences désastreuses de cette loi sur le petit commerce et l’emploi en général (II). La présente proposition de loi vise, conformément aux vœux exprimés par le candidat François Hollande qui, durant la campagne présidentielle, s’était déclaré déterminé à ouvrir des négociations sur le travail du dimanche, à parvenir à un équilibre économique entre les petits commerces alimentaires et les grandes surfaces (III).


I – L’absence d’augmentation de la consommation et du pouvoir d’achat des salariés

            Concernant la consommation.

            Les achats du dimanche n’ont pas conduit à augmenter les dépenses totales des consommateurs pour les catégories de produits concernés. L’essentiel des ventes réalisées le dimanche après l’entrée en vigueur de la loi correspond au transfert de ventes initialement réalisées les autres jours de la semaine.

            Concernant le pouvoir d’achat.

            La libéralisation de l’ouverture dominicale des commerces n’a pas permis une augmentation significative du pourvoir d’achat. S’il faut sans doute admettre que le transfert des achats vers des établissements pouvant pratiquer des prix inférieurs à ceux du petit commerce traditionnel a eu un effet modérateur sur la hausse des prix, les revenus des salariés travaillant le dimanche n’ont pas augmenté au point de provoquer une hausse du pouvoir d’achat. Par ailleurs, l’accroissement des revenus se trouve annulé du fait des divers frais qu’engendrent la nécessité de devoir travailler le dimanche.

II – Les effets négatifs sur le petit commerce, l’emploi et les conditions de vie des salariés.

            Concernant le petit commerce et l’emploi.

La libéralisation de l’ouverture dominicale des commerces a conduit à une mutation de la consommation, sans pour autant contribuer à l’augmenter. Elle a eu des conséquences dramatiques pour le petit commerce puisque les achats traditionnellement faits auprès des petits commerçants sont désormais effectués dans les grandes surfaces. Les petits commerces de l’alimentaire qui constituent des services de proximité et animent nos centres villes, s’alarment donc de la baisse importante de leur chiffre d’affaires (jusqu’à 30%) résultant de l’ouverture le dimanche matin des grandes surfaces.

L’alignement du régime du repos dominical des grandes surfaces sur celui des petits commerces contribue, dans les territoires ruraux ainsi que dans les villes petites et moyennes, à accroître la disparition des commerces de proximité et des lieux de vie en commun des habitants.

La loi du 10 août 2009 a également entraîné des effets négatifs sur l’emploi. Les emplois supprimés au sein des petits commerces de proximité ne sont pas compensés par l’embauche très faible des grandes surfaces bénéficiaires de la réforme. Par ailleurs, la disparition des petits commerces est également préjudiciable à la formation et à l’apprentissage des jeunes dans les filières alimentaires.

Concernant les conditions de vie des salariés

Alors que le pouvoir d’achat des salariés n’a pas été augmenté, il leur est pourtant demandé de fournir un effort supplémentaire en travaillant le seul jour où les familles ont l’opportunité d’être réunies. Si le nombre de contrats à temps partiel le dimanche a connu une expansion considérable, c’est au détriment des liens familiaux et affectifs essentiels à l’épanouissement personnel de tout un chacun.

La condition des femmes a également été dégradée étant prioritairement requises pour travailler le dimanche dans ces supérettes et supermarchés ouvrant jusqu’à 13 heures. Elle a aggravé la situation des femmes vivant seules avec leur(s) enfant(s).

III – Un nouvel équilibre entre les petits commerces de proximité et les grandes surfaces

La présente loi ne remet pas en cause le principe du repos hebdomadaire dominical prévu à l’article L. 3132-3 du code du travail.

Le retour au repos dominical est d’ailleurs souhaité par des représentants des grandes surfaces eux-mêmes qui avouent être obligés d’ouvrir le dimanche dans une optique de stratégie défensive. L’ouverture le dimanche est donc pratiquée dans le but de s’aligner sur le comportement de concurrents.

À la vue de tous ces éléments, il est apparu indispensable de modifier l’article L. 3132-13 du code du travail.

La présente proposition de loi vise à permettre, à titre dérogatoire, l’ouverture des grandes et moyennes surfaces à dominante alimentaire 6 dimanches par an maximum, le repos hebdomadaire dominical restant donc le principe pour le reste de l’année.

Le régime d’ouverture jusqu’à 13H le dimanche pour les petits commerces en détail alimentaire est maintenu. Les régimes dérogatoires actuellement prévus par la loi (zones touristiques…) ne sont pas modifiés.

Enfin, l’article L. 3132-13 du code du travail doit être complété afin de permettre aux salariés travaillant dans les grandes et moyennes surfaces à dominante alimentaire de percevoir une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.


Proposition de loi

Article unique

L’article L. 3132-13 du code du travail est rédigé comme suit :

« Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures.

Par dérogation à l’alinéa précédent, dans les grandes et moyennes surfaces à dominante alimentaire telles que définies à l’article L. 752-1 du code de commerce, le repos hebdomadaire est donné le dimanche, à l’exception de 6 dimanches par an, pour lesquels une autorisation d’ouverture est accordée selon des modalités définies par décret.

Les salariés logés chez leurs employeurs bénéficient d’un repos compensateur, par roulement et par semaine, d’un autre après-midi.

Les autres salariés bénéficient d’un repos compensateur, par roulement et par quinzaine, d’une journée entière.

Les salariés travaillant le dimanche dans les grandes et moyennes surfaces à dominante alimentaire telles que définies à l’article L. 752-1 du code de commerce percevront une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »

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