Loi Travail : un point sur les ordonnances

Loi Travail : un point sur les ordonnances

La présentation, jeudi, des ordonnances par le Premier ministre et la ministre du Travail a confirmé que ces dernières n'ont pas su trouver l'équilibre utile  entre les employeurs et les salariés.

Ainsi, la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est actée avec la fusion des instances représentatives du personnel, à l’exception de quelques secteurs à risque. C’est oublier que tout travail peut comporter des dangers pour un salarié. Avec la fusion, les élus au sein des entreprises auront moins de temps à consacrer à ces questions et seront moins nombreux pour le faire.  De même, la question des critères de pénibilité n'a pas de réponse satisfaisante ; même si chacun sait que le dispositif jusque-là adopté était trop compliqué à mettre en oeuvre, il importait de prendre en considération la pénibilité, mesure de justice permettant en outre de renforcer l'attractivité de métiers difficiles qui en ont bien besoin.

L'abandon du mandatement syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés et la possibilité de recourir à l’adoption d’un accord d’entreprise par un référendum d’initiative patronale fragilise  le rapport de force  entre salariés et employeurs, que les syndicats rééquilibraient jusque-là. Les salariés seront face aux pressions d’une direction qui pourra agir pour convaincre une partie des salariés de  baisser les rémunérations ou augmenter le temps de travail. Quant à la création de la rupture conventionnelle collective, où va-t-on ?

La mise en place d’un barème obligatoire pour les indemnités en cas de licenciement abusif, avec un plancher bas et un plafond également très inférieur à la jurisprudence, constitue un déni de justice. La prise en compte d'un barème référentiel par le juge administratif dans des affaires engageant la responsabiité de l'Etat, d'une collectivité locale ou d'un établissement public, est une pratique courante, utile, permettant au juge de premier ressort, d'apprécier la réparation d'un préjudice en sachant prendre en compte le barème référentiel et la jurisprudence. Les conseillers prud'homaux , qui doivent être guidés par des juges professionnels,  par ailleurs formés, recrutés en tenant compte de la nécessaire prévention des conflits d'intérêts, auraient pu ainsi remplir de cette manière la plus juste, un tel office. Ce plafonnement est une non-réponse à la question prud'hommale qui mérite une vraie réforme. Il s’agit  d’une mesure qui va permettre à des employeurs parfois mal intentionnés de provisionner le coût d’un licenciement injuste et injustifié. Aucune garantie n'est apportée dans le texte, permettant d'éviter ce risque. J'ajoute enfin que le risque prud'hommal est très limité et que cette entorse à l'idée même  de réparation, n'avait pas d'urgence et n'aura aucun effet sur l'embauche qui  se fait au regard de l'état du bon de commande ; ce risque concerne moins de 0,1% des affaires de licenciements et les solutions sont généralement  trouvées par la rupture conventionnelle. En réalité, c'est un barème pour la rupture conventionnelle qui est ainsi donné. on  peut s'interroger sur l'utilité des prud'hommes dans la suite de ce dispositif.

Le licenciement possible pour une filiale installée en France d'un Groupe qui se porte bien par ailleurs, est également très difficile à admettre. Il nous avait été donné comme argument que d'un point de vue pragmatique, il était impossible de faire valoir la santé financière d'un groupe pour s'opposer aux mesures de licenciement prises dans une filiale située sur le territoire national. Ce point du texte méritait donc une expertise approfondie et la recherche de solutions au niveau national et européen.

Quelques contreparties ont pu être obtenues : la revalorisation des indemnités légales de licenciement, le renforcement du rôle des branches professionnelles… Mais la méthode de l'ordonnance ne permet pas au parlement de débattre de la manière la plus transparente pour le citoyen et de modifier un texte qui concerne pourtant un très grand nombre d'entre nous. La mise en oeuvre des ordonnances est même annoncée fin septembre avant même le débat parlementaire.

Enfin, le pouvoir exécutif n'a pas à agir dans l'ombre, en plus du recours aux ordonnances. Il est impératif que la haute administration travaille à visage découvert et il importe que nous sachions quels hauts fonctionnaires, quels experts ont été conviés à travailler, en lieu et place des représentants du peuple, à ces ordonnances. Les auditions au parlement sont publiques, retransmises, consultables sur internet. Tout un chacun sait quelle personnalité a été entendue dans le cadre d'un projet de loi examiné à l'Assemblée nationale, mais dans le cas des ordonnances, il faudrait nous satisfaire de leur publication? 

En complément de ces premières observations, je vous invite à lire la tribune d'Olivier Favereau, professeur de sciences économiques à l'université Paris-Nanterre, parue dans le journal "Les Échos" en date du 26 août dernier.

 

Ordonnance relative au renfrocement de la négociation collective

Ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales

Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective

Ordonnance relative au compte professionnel de prévention

 

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