Réactions des revues spécialisées à la publication du rapport "Professions du droit, des métiers à adapter au XXIème siècle, un modèle à préserver"

Cette semaine, les revues spécialisées montrent un intérêt marqué pour le rapport que la mission d'information sur les professions juridiques réglementées que je présidais a rendu la semaine dernière. 

Voici deux articles publiés sur le sujet :
Actualité juridique de droit administratif (AJDA) 2014, p. 2452

Faut il supprimer la charge des avocats au Conseil ?

Par Jean-Marc Pastor

Non visés par le projet de loi Macron (AJDA 2014. 2388), les avocats aux conseils ont été rattrapés par le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les professions juridiques réglementées, rendu public le 17 décembre. Celui-ci propose en effet de supprimer les charges d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Les rapporteurs Cécile Untermaier et Philippe Houillon estiment que si les 108 avocats aux conseils peuvent traiter 40 000 pourvois et générer un chiffre d'affaires annuel évalué à 130 md, c'est en grande partie grâce au renfort d'avocats à la cour et d'universitaires. Pour favoriser l'accès au prétoire, ils préconisent de supprimer, moyennant indemnisation, le statut d'officier ministériel des avocats aux conseils et, corrélativement, leur droit de présenter leur successeur à l'agrément du garde des Sceaux. La mission d'information écarte également l'idée d'une liberté totale d'installation des offices publics et ministériels. Elle souhaite que soit confié à l'Autorité de la concurrence le soin d'établir une carte des « zones carencées » pour chaque profession concernée (notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs, greffiers des tribunaux de commerce). Cette carte serait définitivement arrêtée par le garde des Sceaux, qui serait également chargé de mettre en place une procédure spécifique de sélection des offices existants. S'agissant du financement de l'accès au droit et à l'aide juridictionnelle, les rapporteurs proposent l'instauration d'un mécanisme qui assure la contribution de toutes les professions juridiques réglementées, par notamment un prélèvement sur les actes les plus rémunérateurs. 


Dalloz actualité 18 décembre 2014

Réforme Macron : la mission parlementaire retoque les dispositions relatives aux avocats


Par Anne Portmann


Résumé
Le rapport parlementaire, adopté à l'unanimité par les 15 membres de la mission présidée par la députée Cécile Untermaier, préconise notamment d'exclure la possibilité d'exercer avec le statut d'avocat en entreprise.
La mission parlementaire, aura, en quelques mois seulement, rendu un rapport « excellent », selon le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas. Adopté à l'unanimité, ce qui n'est pas si fréquent, le rapport fait état de 20 propositions, les deux co-rapporteurs, Cécile Untermaier et Philippe Houillon étant d'accord sur 13 d'entre elles. Présentation de celles qui concernent la profession d'avocat. 

L'avocat en entreprise, un « dispositif dangereux »

Aspiration des juristes d'entreprise convergerait, selon le rapport, avec l'aspiration de certains avocats, « notamment d'affaires », « à voir émerger un statut susceptible de diversifier leur carrière ». Les deux co-rapporteurs estiment toutefois peu souhaitable de créer une nouvelle profession réglementée, qui de surcroît emporterait le « démembrement de la profession d'avocat ». Un point sur lequel tous les membres de la commission sont d'accord.

Qualifiant la création du statut d'avocat en entreprise de « dispositif dangereux » et « injurieux pour la profession », Cécile Untermaier a également souligné que la pertinence économique du dispositif ne lui avait pas été démontrée. Philippe Houillon a renchéri en indiquant que des amendements visant à la suppression des dispositions autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer ledit statut seraient déposés. Les rapporteurs ont cependant précisé qu'ils n'étaient pas hostiles au fait que les avis des juristes d'entreprise puissent être assortis de la confidentialité et que ce point pourrait faire l'objet d'une discussion.

L'élargissement de la postulation, une question « pas si simple »

Sur ce point, les avis des deux rapporteurs divergent. « Nous ne sommes pas tout à fait d'accord, résume Philippe Houillon, mais nous sommes tous les deux en désaccord avec le projet de loi ». Il  se déclare favorable au maintien de la territorialité de la postulation tel qu'il existe actuellement. La présidente de la mission, à l'instar de son collègue, a également identifié des difficultés qui pourraient être engendrées par son élargissement à la cour d'appel.

« Tirer un trait sur la postulation n'est pas si simple » estime-t-elle. Reconnaissant toutefois qu'il s'agit d'un sujet important, et en l'absence d'étude d'impact la rapporteure  préconise la mise en place d'une expérimentation, pendant deux ans, de la territorialité de la postulation, au sein de deux cours d'appel, l'une « à dominante rurale » et l'autre « à dominante urbaine » avant l'extension à toutes les cours d'appel.

Les deux rapporteurs sont en revanche d'accord pour la suppression du tarif de la postulation, sauf en matière de ventes judiciaires de meubles ou d'immeubles.

Interprofessionnalité : entre professions du droit seulement

Concernant l'interprofessionnalité, le dispositif des SPFPL dites « pluriprofessionnelles », pour lesquelles le décret d'application n'a été publié qu'il y a quelques mois (le 19 mai 2014), n'est encore qu' « embryonnaire ». Il faudrait, selons les rapporteurs, avoir davantage de recul sur l'impact de cette mesure avant de mettre en place de nouvelles réformes ouvrant encore davantage le capital des professions juridiques réglementées.

Par ailleurs, concernant l'interprofessionnalité d'exercice, si la mission est extrêmement favorable à la création de structures d'exercice communes entre profession du droit, elle reste réservée sur la possibilité pour les professions du chiffre, y compris les expert-comptables, de rejoindre ces structures. « La profession d'expert-comptable […] tend d'ores et déjà à investir certaines spécialisations juridiques (droit fiscal, droit social, etc.) », note le rapport.

Pour les formes des structures, les rapporteurs préconisent aussi de limiter l'interprofessionnalité capitalistique à l'exercice commun au sein de simple sociétés civiles de moyens. L'exercice en commun de ces professions, fussent-elles uniquement juridiques, devra conduire à l'élaboration de règles déontologiques communes réglant, notamment, les situations de conflit d'intérêts qui peuvent survenir en pareil cas.

Bureaux secondaires : les ordres doivent garder le contrôle

Les rapporteurs de la mission soulignent dans leur rapport, l'importance de l'enjeu du contrôle de l'ouverture des bureaux secondaires pour les avocats. Un sujet « loin d'être anodin ». Ils se déclarent défavorables à toute suppression des prérogatives des ordres d'avocat dans ce domaine et constatent également que la mise en place d'un contrôle de l'ouverture de ces bureaux a posteriori n'aurait pas l'effet voulu. Ils proposent de garder le dispositif actuel de contrôle, qui requiert une autorisation préalable de l'ordre avant l'ouverture du bureau secondaire, mais demande à ce que le délai laissé à l'ordre pour se prononcer soit ramené à deux mois au lieu de trois actuellement.

Supprimer le statut d'officier ministériel des avocats aux conseils ?
 
Les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ont échappé à la réforme Macron. Or, la mission constate que le nombre d'offices d'avocats aux conseils n'a pas varié depuis 1816 et ce, malgré la possibilité d'exercice en commun. Un nombre qui serait insuffisant au regard du contentieux. Pour preuve, la rapporteure constate que beaucoup d'avocats « ordinaires » (le chiffre de 500 a été avancé) assistent les avocats aux conseils dans leurs tâches d'élaboration des mémoires. Cécile Untermaier  souhaite donc ouvrir l'accès à cette profession et propose même d'aller plus loin en supprimant leur statut d'officier ministériel et leur droit de présentation. Philippe Houillon n'a pas souscrit à cette proposition. La rapporteure souligne cependant qu'il est souhaitable de conserver un barreau spécialisé, dont l'accès serait subordonné à la réussite d'un concours. Le jury de ce concours d'accès ne sera composé que minoritairement d'avocats à la Cour de cassation pour éviter une forme d'atavisme professionnel. Lors de la présentation du rapport devant la commission des lois, la rapporteur a indiqué qu'il conviendrait, pour ce seul cas où la suppression du statut d'officier ministériel est préconisé par le rapport, de prévoir l'indemnisation des titulaires actuels de ces charges.


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