Auditions sur les dysfonctionnements dans l’organisation logistique des élections

Auditions sur les dysfonctionnements dans l’organisation logistique des élections

A la suite des dysfonctionnements relatifs à la distribution des professions de foi et bulletins de vote pour les élections régionales et départementales au mois de juin 2021, la commission des Lois a auditionné :

  • M. Éric Paumier, co-président de Hopps Group et Alain Brousse, directeur général d'Adrexo (filiale de Hopps Group)
  • M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste, et Philippe Dorge, directeur général adjoint en charge de la branche service-courrier-colis.
  • M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur

La société Adrexo est le 1er opérateur privé de la distribution d’imprimés publicitaires physiques et numériques. Basée à Aix-en-Provence et fondée en 1979, elle compte près de 250 centres et relais en France. Elle opère pour 25 000 clients, dont quelques enseignes de la grande distribution comme Super U, Carrefour, ou encore Picard. La société compte 18 100 salariés et a généré 280,9 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018. L'entreprise a été rachetée le 4 janvier 2017 par le Hopps Group, holding spécialisée dans la livraison, les services et la communication. 

A la suite d'un appel d'offres, le ministère de l'Intérieur a annoncé au mois de janvier 2021 confier sept lots géographiques à Adrexo pour la distribution des plis électoraux, à savoir les régions Hauts-de-France, Grand-Est, Normandie, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes. La société est ainsi chargée, pour les quatre prochaines années, de faire parvenir dans 51 départements les professions de foi des candidats aux élections nationales et locales jusqu'aux boîtes aux lettres des électeurs. A commencer par les régionales et départementales. La Poste s'en est acquittée pour les huit autres régions.

Des difficultés ont été rencontrées au 1er et au 2ème tour : des plis jamais acheminés, des documents entreposés par terre, parfois mis dans des poubelles ou brûlés, des piles de professions de foi entassées dans une seule et même boîte aux lettres, en vrac dans les halls d'immeuble… L’entreprise a évoqué deux raisons : une attaque informatique et le fonctionnement même de l’entreprise, qui passe par le recrutement de « beaucoup de vacataires ».

9 % de plis dévolus à la Poste et Adrexo n'ont pas été distribués lors du 1er tour et jusqu’à 13 % dans certaines zones urbaines. Cela peut être-être lié à des changements d’adresse ou décès (taux résiduel de 4 à 5%, habituellement). Concrètement sur les 9 %, 4  à 5  % sont prévisibles mais environ 5 % des plis non distribués auraient dû l’être. Au second tour, la Poste a repris la distribution de 5 millions de plis de propagande électorale confiés à l'origine à la société Adrexo.

Pour le minsitre de l'Intérieur, plusieurs raisons sont à invoquer :

  • le défi logistique lié à la concomitance des deux élections régionales et départementales.
  • le manque d'expérience de la société Adrexo;
  • le peu de concurrence sur ce marché de la distribution qui ne s’opère qu’entre deux acteurs. "Ce marché était peut-être trop gros pour eux."

Une loi de 2005 transposant deux directives postales européennes, prévoit en effet l’ouverture à la concurrence du domaine postal et donc de la distribution de la propagande électorale. Avant 2005, seule la Poste assurait cette mission. Désormais, seule Adrexo et La Poste sont habilitées par l'Arcep (l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) pour réaliser cette distribution. La société Adrexo a obtenu le marché pour un montant total d'environ 200 millions d’euros. La  mise en concurrence étant imposée par la loi, les autorités devaient répartir le marché entre les deux opérateurs. G. Darmanin ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre : "En tant que chef d’une administration, je suis bloqué par une concurrence qui n’en est pas une, puisque seulement deux sociétés ont été validées par Arcep et les deux doivent gagner."

L’ouverture à la concurrence depuis 2005 a été en réalité très faible : La Poste reste l'opérateur très largement majoritaire. Les autres entreprises exercent sur des marchés locaux et restent absentes au niveau national.

Contrôle de l’externalisation de la distribution : Ainsi, aux termes d’un appel d’offres, le ministère de l’Intérieur a renouvelé au 1er janvier 2021 l’accord-cadre relatif à la distribution des enveloppes électorales. Ce dernier fixe un objectif de résultats et de délais. Le suivi des prestations à travers des rapports quotidiens lors des semaines précédant les élections permet de s’assurer de la qualité de la réalisation des prestations demandées. Si l’administration constate une non-conformité des prestations réalisées par rapport aux exigences fixées, elle peut s’appuyer sur les clauses de pénalités fixées à l’accord-cadre et appliquer des pénalités pour retard ou pour non-respect des obligations contractuelles.

Le ministre s'est dit favorable à une reprise en main par l’Etat : « Je suis d’accord pour pouvoir législativement considérer que la propagande électorale ne doit pas relever du domaine concurrentiel et considérer que c’est une régie. Je serais favorable à ce que nous puissions considérer qu’il n’y a pas de concurrence pour la distribution de la propagande électorale. On aurait pu imaginer sortir la propagande électorale de la directive [européenne] service postal.»

La corrélation entre l'abstention et les dysfonctionnements de la distribution des plis est difficile à établir. L'abstention est plurifactorielle. Le minsitre a rappelé que « les jeunes de moins de 35 ans se sont abstenus à 82%. Or ce sont ceux qui s'informent en général plus par internet.»

Les trois auditions sont consultables ici.

→  Mes questions au co-président de Hopps Group et au directeur général d'Adrexo:

 

→ Quels sont les contrôles qui ont été prévus dans le cadre de l'appel d'offres et effectivement exercés par l'administration sur cette externalisation d'un service qui relève de l'exercice de la démocratie ?

→ Quel système de vérification et de bonne exécution du service a été acté lors de l'appel d'offres ?

 

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