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Mon rapport sur l'attractivité de la fonction publique

Mon rapport sur l'attractivité de la fonction publique

Ce jeudi, en commission des Lois, ont été examinés les crédits relatifs à la fonction publique, dans le cadre de la discussion du projet de loi de Finances pour 2024. La mission « Transformation et fonction publiques » porte les crédits de formation des fonctionnaires, d'action sociale interministérielle et d'appui et d'innovation en matière de ressources humaines.

Rapporteure pour avis sur ce budget, j’ai mené des auditions sur plusieurs semaines et rédigé un rapport que j’ai souhaité axer sur la question de l’attractivité de la fonction publique. Ce sujet, a pris une nouvelle ampleur ces dernières années, notamment vis-à-vis des difficultés rencontrées par divers employeurs publics en ce qui concerne le recrutement dans le cadre de raréfaction de certaines compétences, de tensions sur le marché du travail et de départs à la retraite nombreux. 

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Mes propositions d’amélioration de l’attractivité de la fonction publique :

1/ Agir sur les rémunérations et les conditions de travail :

- Une nouvelle augmentation du point d'indice

- Une réforme des modalités de calcul de l'indemnité de résidence

-Une promotion des initiatives managériales accordant une flexibilité plus conséquente dans l'organisation du temps de travail, comme la semaine de 4 jours.

2/ Rapprocher la fonction publique des candidats potentiels :

- La poursuite du développement de la marque employeur " Choisir le service public" 

- Une rédaction plus accessible des offres d'emplois publiées ainsi que la simplification de certains concours pour favoriser le recrutement de profils particuliers

- Une meilleure valorisation de la fonction publique auprès des jeunes générations

3/ Favoriser le déroulement de carrière au sein d'un même territoire :

- L'encouragement de la mobilité inter-employeurs dans un même territoire, l'objectif étant de proposer aux agents des perspectives de carrière plus riches, sans l'implication nécessaire de mobilité géographique

- La consolidation de la coordination entre les acteurs au niveau local pourrait être renforcé.

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Mon intervention en commission des Lois face au ministre de  la Transformation et de la Fonction publiques

"Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Le programme Fonction publique constitue l’un des cinq programmes de la mission Transformation et fonction publiques. Il porte les crédits de formation des fonctionnaires, d’action sociale interministérielle, et d’appui et d’innovation en matière de ressources humaines.

J’ai choisi cette année de consacrer une partie de mon rapport à un sujet important et d’actualité, celui de l’attractivité de la fonction publique.

Avant d’aborder cette question, je souhaite commencer par l’examen des crédits du programme.

Pour l’année 2023, les montants proposés pour le programme Fonction publique s’établissent à 283 millions d’euros en crédits de paiement. 

En apparence, les crédits diminuent, du fait du transfert vers un autre programme de la tutelle budgétaire de l’Institut national du service public, qui a remplacé l’École nationale d’administration.

À périmètre constant, les crédits sont en augmentation d’une vingtaine de millions d’euros. 

Je ne peux cependant que constater la faible ambition de ce projet de budget, qui reconduit pour l’essentiel les lignes budgétaires ouvertes les années précédentes.

J’évoquerai brièvement les quatre plus importantes évolutions.

Premièrement, la hausse la plus significative concerne les crédits associés à la rénovation des restaurants inter-administratifs, qui augmentent d’environ 13 millions d’euros. Cette hausse était prévisible et s’explique par le fait que ces crédits avaient été sous-exécutés les années précédentes.

Deuxièmement, la subvention pour charge de service public versée aux cinq Institutions régionaux d’administration augmente également à hauteur de 5 millions d’euros, notamment pour permettre le renforcement des effectifs d’encadrement.

J’avais proposé, l’année dernière, par voie d’amendement, un renforcement du personnel permanent des IRA. À l’époque, je n’avais pas été suivie par la majorité. J’avais donc raison trop tôt, et j’espère que cela vous conduira à être plus bienveillant concernant mes propositions à l’avenir !

Je m’inquiète tout de même du caractère limité de ces renforts : les effectifs des personnels permanents augmenteraient de deux agents par IRA, soit + 10 % en moyenne, alors que le nombre d’étudiants augmenterait de 17 % d’ici 2025.

J’en profite par ailleurs pour rappeler que l’année dernière, j’avais formulé deux propositions portant sur l’organisation des concours et de la scolarité dans les IRA : la première pour revenir à une seule promotion par an (au lieu de deux actuellement), la seconde pour rallonger la scolarité, réintroduire un stage préalable au stage final, et revoir les épreuves de sortie. Ces recommandations sont toujours d’actualité.

Troisièmement, les crédits consacrés à la réservation de berceaux de crèches progressent également, de 5 millions d’euros environ, principalement pour faire face à l’inflation du coût des places. Le nombre de places offertes augmente un peu, d’une centaine de places.

Là encore, cette augmentation fait écho à une proposition formulée l’année dernière, que j’avais défendue par amendement, sans succès.

Et là encore, la hausse que vous proposez est bienvenue, mais aurait pu être plus importante, et dépasser les 5 000 places comme je le suggérais à l’automne dernier.

Quatrièmement, enfin, et en sens inverse, les crédits consacrés aux chèques-vacances diminuent, du fait du recentrage sur les seuls agents de l’État en activité, ce qui exclut donc les retraités. Cela conduirait à une baisse de 20 000 bénéficiaires, et à une économie de 6 millions d’euros. 

Je considère que cette prestation constitue une aide non négligeable pour les retraités qui ont consacré leur vie professionnelle au secteur public, qui touchent une pension modeste, et dont le pouvoir d’achat est actuellement menacé par l’inflation. Il ne me paraît pas pertinent d’avoir opéré ce recentrage.

Voilà donc les principaux aspects du projet de budget 2024.

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Ces considérations ne sont pas sans lien avec le thème que j’ai choisi d’étudier cette année : l’attractivité de la fonction publique.

Cette question a pris une nouvelle ampleur au cours des dernières années, face aux difficultés rencontrées par certains employeurs publics en matière de recrutement, dans un contexte de tensions sur le marché du travail, de raréfaction de certaines compétences, et de départs à la retraite massifs. 

De nombreux signaux témoignent d’une dégradation tendancielle dans les trois versants de la fonction publique. 

Dans fonction publique d’État par exemple, la sélectivité des recrutements aux concours externes est passée de 17 candidats pour un admis en 1997 à 5,8 en 2020. En 2021, environ 8 % des postes de fonctionnaires ouverts n’ont pas été pourvus.

Il faut bien sûr apporter des nuances. Certains postes présentent des difficultés de recrutement spécifiques, selon qu’ils appartiennent à certains métiers – je pense par exemple au métier d’enseignant ou à la filière du numérique –, ou qu’ils soient situés dans certains territoires, alors que pour d’autres, le problème se pose moins. Mais au-delà de ces différences, de nombreuses problématiques sont communes.

Pour les administrations publiques, l’enjeu est double : il s’agit non seulement de pouvoir continuer à recruter des agents en nombre suffisant, mais également d’être en capacité de capter certaines compétences spécifiques, particulièrement recherchées. Il en va de la continuité et de la qualité du service public.

Les auditions que j’ai conduites et les travaux que j’ai consultés convergent autour de plusieurs constats.

Ainsi, les métiers de la fonction publique présentent d’importants atouts et sont porteurs de sens, mais ils restent paradoxalement mal connus du grand public, et souffrent d’une image perfectible.

Par ailleurs, certains aspects des processus de recrutement pourraient de plus être améliorés. 

Enfin, et surtout, l’évolution des rémunérations est en décalage par rapport au secteur privé, et les conditions de travail se tendent.

Face à ces constats, je formule sept propositions, autour de trois axes principaux.

Le premier axe est d’agir sur les rémunérations et les conditions de travail.

Je propose de rendre les rémunérations plus attractives dans la fonction publique, à travers une nouvelle augmentation du point d’indice, et de réformer les modalités de calcul de l’indemnité de résidence, qui a maintes fois été repoussée.

Il me paraît également important de promouvoir les initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l’organisation du temps de travail, comme la semaine de quatre jours par exemple. De telles expérimentations peuvent conduire à mieux prendre en compte la réalité de la vie de chacun et à rechercher un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Le deuxième axe est de rapprocher la fonction publique des candidats potentiels.

Pour cela, je propose de poursuivre le développement de la marque employeur « Choisir le service public », pour mieux faire connaître les métiers de la fonction publique, et de mettre en œuvre des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension. La marque employeur peut être le support d’une communication efficace, à certaines conditions, mais je rappelle qu’elle ne constitue évidemment pas une réponse suffisante aux difficultés de fond auxquelles font actuellement face les agents publics.

Par ailleurs, les offres d’emploi publiées gagneraient à être rédigées d’une manière plus accessible tandis que le format de certains concours pourrait être simplifié pour favoriser le recrutement de certains profils particuliers, et notamment les apprentis.

Il me paraît également important de mieux valoriser la fonction publique auprès des jeunes générations.

Le troisième axe est de favoriser le déroulement de carrière au sein d’un même territoire

Plusieurs acteurs auditionnés ont relevé l’intérêt de pouvoir réaliser une carrière dans la fonction publique au sein d’un même bassin de vie. Pour cela, il faut favoriser la mobilité inter-employeurs dans un même territoire, de manière à proposer aux agents des perspectives de carrière plus riches, sans impliquer nécessairement de mobilité géographique. 

Sur ce point, la coordination entre les acteurs au niveau local pourrait être renforcée.

Monsieur le Ministre, quel regard portez-vous sur ces différentes propositions et quelles mesures concrètes envisagez-vous de mettre en œuvre pour renforcer l’attractivité de la fonction publique ? 

Je souhaite conclure mon intervention en rappelant que mon groupe souhaite toujours l’inscription de la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, qui semble avoir été « oubliée ». Je rappelais l’année dernière que l’externalisation de missions de conseil ne constitue pas nécessairement un bon choix de gestion, bien au contraire, et que sa systématisation tend à dégrader tant la qualité du service public que le ressenti des agents publics. Depuis, un nouveau rapport, de la Cour des comptes cette fois, est venu appuyer ces constats. Le recours aux cabinets de conseil doit être mieux encadré et rendu plus transparent, et la proposition de loi doit impérativement être discutée. 

Je considère également qu’il nous faut nous interroger sur certaines règles de gestion budgétaire, et notamment sur le principe de fongibilité asymétrique, qui pousse les personnes publiques à externaliser pour réaliser certaines missions plutôt qu’à recruter pour les conduire en interne.

Je vous remercie."

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