Projet de loi organique et projet de loi ordinaire relatifs à la transparence de la vie publique : retour de séance

Le 25 juin 2013, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture et après engagement de la procédure accélérée, les deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique. A l’heure où grandit la défiance des citoyens, où la crise de confiance est confortée par des affaires successives, la majorité prend des actes forts pour renforcer l’exemplarité des élus.

Objectifs des textes

Pour Jean-Jacques Urvoas, rapporteur et président de la Commission des lois, ce texte vise « à mettre enœuvre une stratégie de prévention globale qui réponde aux exigences d’une République que nous voulons exemplaire, comme aux attentes descitoyens. Il ne s’agit ni d’ouvrir une ère de soupçon généralisé, ni de méconnaître le respect dû à la vie privée. Les avancées considérables que porte cetexte sont au contraire fondées avant tout sur la responsabilité des élus, des hauts fonctionnaires et des multiples responsables administratifs. »

Fruits d’une longue réflexion, marquée récemment par les rapports Sauvé et Jospin, ces projets de loi établissent des règles fortes de transparence et de prévention des conflits d’intérêts qui placeront la France à l’avant-garde en ce domaine. La démocratie représentative n’a d’avenir que si l’honnêteté de ses délégués est incontestable. C’est l’ambition de ces textes.

Les principales dispositions des textes :

Les membres du Gouvernement, les parlementaires et les élus occupant des fonctions exécutives locales, ainsi que certains fonctionnaires, devront fournir une déclaration de patrimoine et une déclaration d’intérêts (article 1 PLO et article 3 PL). Deux mois après le début de leur mandat ou de leur fonction, ces personnes devront fournir leur déclaration de patrimoine et d’intérêts. Le patrimoine est entendu comme les biens détenus en propre ou en communauté par le déclarant et évalués à la date du début de mandat/ fonction. La déclaration d’intérêts, fusionnées avec la déclaration d’activité, devra lister les activités, même non rémunérées, des déclarants. Tout revenu financier ou tiré d’activités professionnelles devra être mentionné dans cette déclaration d’intérêts.

Le manquement à ces obligations de déclaration est sanctionné de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende ainsi que, éventuellement, d’une peine d’inéligibilité.

Les déclarations de patrimoine des membres du Gouvernement seront publiées par la Haute autorité tandis celles des autres élus concernés seront consultables, en préfecture, par les personnes inscrites sur les listes électorales du département. Les déclarations d’intérêts seront, pour leur part, toutes publiées.

Création de la Haute autorité de la transparence de la vie publique qui disposera des pouvoirs et des moyens de contrôles adéquats

Il s’agit d’une nouvelle autorité administrative indépendante (AAI) dont l’indépendance, tant budgétaire qu’organique, est assurée. Elle sera chargée du contrôle des déclarations et pourra, à cet égard, consulter les déclarations fiscales des intéressés et être assistée de l’administration fiscale dans ses recherches. En cas de manquements ou de variations inexpliquées du patrimoine, la Haute autorité pourra saisir le procureur de la République et publier un rapport au journal officiel. 

Les incompatibilités avec le mandat de parlementaires sont renforcés (article 2 PLO)

Les fonctions de conseil, exercées parallèlement, sont désormais proscrites –le parlementaire aura deux mois pour s’y conformer à la date de publication de cette loi– tandis qu’il ne pourra exercer dans une société dont les revenus sont substantiellement générés grâce à des structures publiques.

La loi renforce la prévention des conflits d’intérêts et leur sanction (articles 1 et 2PL)

Le conflit d’intérêts est désormais définit comme « une situation d’interférence entre un intérêt publicet des intérêts publics ou privés qui est de nature à compromettre ou paraître compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

Si un membre du Gouvernement ou d’une AAI venait à se trouver dans une telle situation, une obligation de déport est créée. Pour sa part, la Haute autorité pourra enjoindre à un déclarant de mettre fin à un conflit d’intérêts. L’article 17 prévoit que tout professionnel qui, de bonne foi, met à jour un conflit d’intérêts ne pourra faire l’objet de sanctions professionnelles. La charge de la preuve est renversée au profit du lanceur d’alerte.

Les plus du débat en commission et en séance :

Le travail en commission, puis en séance publique, est allé dans le sens d’une précision et d’un renforcement des mesures de transparence. A l’initiative du rapporteur ou du groupe SRC, en particuliers ont été adoptés de nombreux amendements et notamment :

-     Un élargissement des personnes assujetties à la déclaration de patrimoine (maires et président d’EPCI de plus de 20 000 habitants contre 30 000 auparavant), collaborateurs des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.

-     Un renforcement des pouvoirs de la Haute autorité. Son pouvoir d’injonction s’adresse à tous les assujettis tandis que ses pouvoirs vis-à-vis de l’administration fiscale sont consolidés (délais contraints de réponse de l’administration, procédure d’entraide administrative en cas de besoin…). Le patrimoine des parlementaires sera contrôlé dès le dépôt de la déclaration, comme pour les membres du Gouvernement et les assujettis disposeront de 60 jours pour communiquer d’éventuels éléments manquants.

-     La création d’un délit de divulgation des informations consultées (un an de prison et 45000 euros d’amende). Toutefois, les électeurs peuvent adresser des observations à la Haute autorité sur les déclarations qu’ils ont consultées.

-     Une extension des incompatibilités parlementaires. Toute fonction juridictionnelle n’est désormais plus compatible avec l’exercice d’un mandat parlementaire (hors fonctions prévues par la Constitution), tout comme celles de direction d’une AAI. De manière générale, un parlementaire ne pourra plus commencer d’activité professionnelle durant son mandat.

-     Les dons aux partis politiques ne pourront dépasser 7 500€ cumulés ce qui permettra d’en finir avec la pratique des micro-partis.
 
Comme l’indiquait René Dosière, responsable des députés SRC pour ces textes, ces « mesures témoignentconcrètement du souci de rendre plus exemplaire le fonctionnement de notre démocratie et s’ajoutent à d’autres dispositifs, comme la réduction du train de vie de l’exécutif. Mais il faut citer la loi sur le non cumul des mandats parlementaires avec des fonctions exécutives locales qui va profondémentrenouveler le personnel politique de notre pays. » La loi interdisant le cumul des mandats sera examinée en séance publique à partir du 3 juillet.

A lire aussi