Non à la disparition du principe de précaution!

Je suis intervenue mercredi 26 novembre en Commission des Lois pour marquer mon opposition à la proposition de loi constitutionnelle n°2293 rédigée par la droite qui a pour objet de substituer au principe de précaution un principe d'innovation responsable. 

En effet, cette proposition manifeste une fois encore l’hostilité d’une minorité de responsables politiques face à leurs obligations environnementales. Pourtant, les pouvoirs publics ont des responsabilités en matière de protection de l’environnement et de santé, non seulement à l’égard des citoyens des générations présentes, mais aussi des générations futures.

Cette proposition de loi est non seulement juridiquement erronée dans son approche, mais aussi inutile et dangereuse.

1) Vouloir intégrer l’innovation au sein même du principe de précaution pour le contracter en un principe d’innovation responsable est contraire à la définition même d’un principe en droit dès lors que les principes doivent, par définition, se concilier entre eux.

2) Il est en outre inutile de consacrer un principe d'innovation responsable dès lors qu'il existe déjà dans la Charte de l’environnement en son article 9 (« La recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement »).

J'ajoute que le principe de précaution n'est pas un principe d'abstention des pouvoirs publics, comme le laisse supposer la proposition de loi, mais constitue au contraire une doctrine d'action  dès lors qu'il implique une évaluation du risque, sa réduction à un niveau acceptable voir son élimination, une information et la participation de citoyens associés à la réflexion sur ce risque. Le principe de précaution stimule aussi l’innovation dans le domaine de la protection de l’environnement et de la santé publique, et organise l'ouverture de la Science au débat démocratique.  En effet, ce principe rend indispensable une réflexion sur le risque, compte tenu de la gravité et de l’irréversibilité des dommages susceptibles d’être causés à l’environnement et par la situation d’incertitude scientifique que la science n’a pas réussi à résoudre.

Je tiens à préciser que les juges ne donnent pas du principe de précaution l'interprétation caricaturale et paralysante que la proposition de loi lui attribue. Faisons confiance aux juges pour appliquer le principe de précaution dans l'esprit dans lequel il a été conçu.

3) Enfin, cette proposition de loi est dangereuse : elle vise à rompre un consensus quasi-unanime tant sur la nécessité d’un tel principe dans notre société technologique et industrielle dominée par les risques environnementaux, que sur le sens qu’il convient de lui donner.

Remettre en cause le principe de précaution c’est donc déresponsabiliser les pouvoirs publics face à ses obligations environnementales. C'est pour ces raisons que je suis opposée à cette proposition de loi constitutionnelle

Cécile Untermaier

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