Crise du Coronavirus : examen du projet de loi de finances rectificative

Crise du Coronavirus : examen du projet de loi de finances rectificative

Ce jeudi 19 mars, les députés ont adopté à l'unanimité le projet de loi de finances rectificative pour 2020. Présenté par le Gouvernement dans le contexte de l’épidémie de Coronavirus-COVID19, le projet de loi contient les ouvertures de crédits nécessaires pour gérer l’épidémie.

Il crée ainsi une mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » dotée de 6,25 milliards d’euros, pour financer le dispositif exceptionnel de chômage partiel et le fonds de solidarité en faveur des entreprises.

Il instaure également une garantie bancaire de l’Etat à hauteur de 300 milliards d’euros, pour garantir les emprunts contractés pour leurs besoins de trésorerie par les entreprises non financières à compter du 16 mars 2020.

Le PLFR pour 2020 contient 5 articles :

  • Article liminaire : Cet article révise la prévision du déficit public pour l’année 2020, qui passe de -2,2 % du PIB à -3,9 % du PIB 
  • Article 1er : Cet article révise la prévision du déficit de l’État pour l’année 2020, qui passe de -93,1 milliards d’euros à -108,5 milliards d’euros 
  • Article 2 : Cet article ouvre et annule des crédits du budget général de l’État, notamment pour financer la réforme du chômage partiel et le fonds de solidarité pour les entreprises en difficulté 

→ Cet article comprend des dispositions à destination des ménages de manière indirecte en apportant les crédits nécessaires au financement de la réforme du système de chômage partiel.

→ Il comprend aussi des dispositions à destination des entreprises en créant une nouvelle mission budgétaire intitulée « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », composée de deux programmes :

- Programme n° 356 "Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire"

L’estimation du montant de la réforme est de 8,5 milliards d’euros et serait doté de 5,5 milliards d’euros de crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement et de 2,8 milliards d’euros par l’Unédic.

Ce montant correspond à une estimation du volume d’heures indemnisées à hauteur de 15 % des heures travaillées pour une durée de deux mois. La prise en charge moyenne par heure chômée devrait s’élever à 13,9 euros, dont 9,3 euros pris en charge par l’État et 4,6 euros pris en charge par l’Unédic.

- Programme n° 357 "Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire"

Il vise à financer un fonds de soutien aux très petites entreprises (chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros) en difficulté économique en raison de la crise sanitaire.

Le financement sera assuré par l’Etat avec 750 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement et les régions à hauteur de 250 millions d’euros, pour qu’il atteigne un montant total de 1 milliard d’euros.

Les secteurs éligibles ainsi que les modalités apportées par le fonds de solidarité seront définis par voie réglementaire.

  • Article 3 : Cet article annule des crédits d’un compte spécial, pour tenir compte de la non-privatisation d’ADP
  • Article 4 : Cet article met en place une garantie bancaire de l’Etat à hauteur de 300 milliards d’euros, sur les prêts qui seront octroyés aux entreprises par les banques entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020.

Plusieurs conditions sont précisées et seront prochainement fixées par des arrêtés ministériels :

  • Les prêts comportent un différé d’amortissement minimal de 1 an minimum et la possibilité d’amortir le prêt sur une période additionnelle de 5 ans.
  • La garantie est rémunérée, ne peut couvrir la totalité du prêt garanti, n’est acquise qu’après un délai de carence, et qu’elle ne peut pas bénéficier à des entreprises faisant l’objet d’une procédure collective (sauvegardes, redressement judiciaire et liquidation).
  • Les crédits octroyés bénéficieront de la garantie de l’État dès lors qu’ils rempliront les conditions du cahier des charges et sur simple notification à Bpifrance Financement SA.
  • Pour les entreprises de plus de 4 999 salariés ou dont le chiffre d’affaire dépasse 1,5 milliard d’euros, les crédits devront faire l’objet d’une décision d’octroi, au cas par cas, par arrêté du ministre de l’Économie.
  • Bpifrance Financement SA sera chargé par l'État, sous son contrôle, pour son compte, et en son nom de l’administration du dispositif.

Le texte est déposé ce vendredi au Sénat pour examen ce jour avant adoption définitive.

Par ailleurs, dans une lettre en date du 19 mars dernier, nous avons porté à la connaissance du Premier ministre, plusieurs difficultés concernant la mise en œuvre de mesures d’urgence décidées par le Gouvernement :

1 - En ce qui concerne le domaine du Ministère de l’Intérieur:

Nous avons été interpellés par des travailleurs du Samu social de Paris sur la situation des personnes sans-abri qui sont particulièrement vulnérables face à l’épidémie du Covid-19. Plusieurs centres d’accueil de jour à Paris ont effet indiqué que des personnes sans-abri allant chercher leur courrier ou de la nourriture, non-munies d’une attestation de déplacement dérogatoire, ont été verbalisées par les forces de l’ordre dans la matinée du mercredi 18 mars. Des incidents similaires ont été signalés à Lyon. Si la mise en place d’une politique de confinement de la population française est nécessaire, elle doit être appliquée, sur le terrain, avec un certain discernement. Il est en effet aberrant que des personnes en situation de grande précarité se voient appliquer une amende qu’elles ne pourront régler, en conséquence du confinement à domicile, alors que ces personnes ne disposent pas d’un domicile fixe.

Par ailleurs, il conviendrait de simplifier la procédure d’autorisation. De nombreux commerçants (particulièrement ceux gérant des commerces de taille importante ou des centres commerciaux) demandent la création d’attestations de longue durée. Un directeur de centre commercial nous a indiqué en effet que la distribution de 550 attestations par jour représentait, pour lui et ses équipes, une charge de travail importante. 

2- En ce qui concerne le domaine du Ministère du Travail

Nous avons eu connaissance de cas de salariés dont l’activité est requise mais dont la protection ne semble pas convenablement assurée par leurs employeurs. Quelles sont les voies de recours pour ces salariés en de telles circonstances ?

Parallèlement, des employeurs ont mis en chômage partiel leurs salariés, suite aux indications de la Direccte qui leur aurait rappelé que leur responsabilité pénale pourrait être engagée si l’un de leurs salariés se voyait infecté par le Coronavirus. Récemment, plusieurs Direccte auraient indiqué à ces chefs d’entreprise que le chômage partiel ne serait pas validé, et par conséquent pas pris en charge par l’Etat. Cette situation nécessite une clarification de la part du Gouvernement qui devrait repréciser le périmètre des responsabilités, au regard des conséquences d’une épidémie qui peuvent se produire même avec des mesures de sécurité sanitaire strictement mises en oeuvre.

3- En ce qui concerne le domaine du Ministère de l’Economie

Pour de nombreux travailleurs indépendants et très petites entreprises en difficulté, le report ou la suspension du paiement des loyers ou des factures ne paraît pas être une réponse adaptée. En effet, non seulement ils craignent de succomber sous ces charges une fois sortis de la période d’épidémie, mais leur report créerait des difficultés supplémentaires pour d’autres acteurs, tels que les bailleurs. Une indemnisation spécifique dans le cadre du fonds de solidarité, destinée à couvrir les charges fixes, constituerait une réponse plus sécurisante pour les entreprises et travailleurs indépendants concernés. 

Les entreprises en redressement judiciaire se retrouvent dans une situation particulièrement difficile. Alors que les établissements bancaires privés et BpiFrance se sont engagés à renforcer leur soutien, les entreprises en redressement n’ont pas accès aux prêts d’urgence et aucune mesure d’accompagnement spécifique ne semble être proposée. 

La question du dédommagement des chefs d’entreprise (travailleurs non salariés et mandataires sociaux) a également été soulevée à plusieurs reprises. Les mandataires sociaux sont en effet exclus de plusieurs dispositifs proposés par le Gouvernement (notamment du dispositif de chômage partiel ou technique) et les conditions d’accès à l’aide de 1 500 euros paraissent trop restrictives, notamment en ce qui concerne le seuil de perte de chiffre d'affaires de plus de 70% au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

Enfin, de nombreux commerçants s’inquiètent de ne pas être couverts, au titre de leurs contrats d’assurance de pertes d’exploitation, dans le cas de figure actuel (fermeture généralisée de leurs magasins décidée par l’Etat).

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