Mesures de sûreté contre les auteurs d'infractions terroristes: un accord trouvé en CMP

Mesures de sûreté contre les auteurs d'infractions terroristes: un accord trouvé en CMP

Le Sénat a examiné ce mardi la proposition de loi controversée pour imposer des mesures de sûreté aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme à leurs sorties de prison. Ce texte s’inscrit dans la problématique que pose la sortie prochaine des personnes condamnées pour infraction terroriste et il convient de prendre des mesures appropriées à cet enjeu, alors que nous constatons un vide juridique en la matière.

Ce texte prévoit que la justice puisse ordonner une mesure de sûreté, comportant une ou plusieurs obligations à tout individu condamné pour des faits de terrorisme et qui, à la fin de sa période d’incarcération, « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ».

L'application de ce dispositif se limite aux personnes condamnées à des peines supérieures à 5 ans d'emprisonnement, ou 3 ans en cas de récidive.

Les mesures sont les suivantes :

  • Imposer à la personne de « respecter les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté ». Il s'agit, dans la pratique, de soumettre la personne au suivi d'actions de prise en charge de la radicalisation mises en œuvre dans les centres d'accueil individualisé et de réaffiliation sociale.
  • Interdiction de se livrer à l'activité au cours de laquelle l'infraction a été commise
  • Interdiction de détenir ou de porter une arme
  • L’individu pourra être interdit de fréquenter les auteurs ou complices de l'infraction à l'issue de sa peine.
  • Extension de l'interdiction de paraître aux catégories de lieux et à toute zone désignée par le juge.
  • Possibilité de mettre en œuvre un suivi par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, parallèlement au suivi qui sera opéré par le juge de l'application des peines.
  • Obligation d'exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation.

En ce qui concerne le bracelet électronique, le Sénat a décidé d'en faire une mesure accessoire aux obligations imposant des restrictions à la liberté d'aller et de venir, à savoir la restriction des déplacements à l'étranger, l'interdiction de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux et l'interdiction d'entrer en contact avec certaines personnes ou catégories de personnes.

En outre, est exclue la possibilité de cumuler un placement sous surveillance électronique mobile avec une obligation de pointage hebdomadaire.

Est aussi exclu le cumul de la mesure de sûreté créée avec d'autres mesures judiciaires ayant un caractère de sûreté, en particulier le suivi socio-judiciaire, la mesure de surveillance judiciaire, la surveillance ou la rétention de sûreté.

L’article 2 du texte correspond à un amendement que j’avais déposé en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale, lequel oblige le juge à décider ou non d’un suivi socio-judiciaire dès le prononcé de la peine. Le juge devra désormais motiver son refus de prononcer un suivi socio-judiciaire. On peut raisonnablement penser que les auteurs de délits et de crimes terroristes dont la gravité est avérée, feront désormais l’objet d’une mesure de suivi socio-judiciaire dont le contenu pourra être adapté en fin de peine. 

Trois observations :

1- Je suis hostile à l'idée de condamner en prévention d’un risque de récidive ou de réitération. Une dangerosité supposée peut justifier sans doute une surveillance mais pas une condamnation. Ces mesures ne sont pas des condamnations. Elles sont le rattrapage dans le temps de jugements qui ne comportaient pas un suivi socio-judiciaire en fin de peine

2- Depuis le 21 juillet 2016, les personnes condamnées pour acte de terrorisme (autre que les délits en lien avec la provocation au terrorisme ou son apologie) ne bénéficient d'aucun crédit de réduction de peine (loi du 3 juin 2016). Il s’agit là d’une erreur. Exclure la réduction de peine aux personnes condamnées pour acte de terrorisme ne permet pas, à mon sens, d'organiser au mieux la fin de peine.

3- Ce texte est un aveu d’échec ou le constat d’un résultat insatisfaisant, s’agissant de la réinsertion ou de la déradicalisation. La régulation de la population carcérale devrait permettre de faciliter ce travail de réinsertion. En toute hypothèse, il est vain de penser que des actions positives peuvent être menées dans un contexte de surpopulation carcérale tel que nous le connaissons depuis des années.

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