mon intervention en préambule de la commission spéciale chargée d'examiner le Projet de loi croissance et activité



S’agissant des professions juridiques et judiciaires réglementées, le Sénat, contrairement à ce que nous redoutions a admis la pertinence du dispositif que nous souhaitons mettre en œuvre, à savoir la liberté d’installation régulée des Officiers publics ministériels ou encore la révision des grilles tarifaires sous le contrôle de l’autorité de la concurrence, l'accès par concours à la fonction de greffier de tribunal de commerce, la simplification de l'accès pour nos jeunes universitaires ou salariés à ces professions, etc...

Pour autant, il nous faut donner tout son sens à cette réforme et aller bien plus loin. C’est pourquoi nous avons rétabli l’essentiel des dispositions prévues en première lecture à l’Assemblée nationale et issues de la mission parlementaire sur les professions juridiques réglementées, tout en conservant certaines propositions constructives du Sénat.

Cette réforme est importante et courageuse. En effet, ni la Droite, ni  et la Gauche ne s'étaient jusque là engagées dans une telle réforme, la Droite ne désirant pas toucher aux professions libérales, et la Gauche  au service public que représentent aussi ces professionnels que sont ces Officiers publics ministériels.

Elle s'est faite malgré les résistances, les insultes ou le mépris. Notre seul souci a été l'intérêt général d'ailleurs bien compris par un très grand nombre de professionnels auxquels je dis ma reconnaissance et mes remerciements pour leurs riches contributions et leur soutien moral. Cette réforme ne tue pas les professions mais corrige des dérives constatées tant par l'inspection des finances que par des professionnels eux-mêmes, soucieux de revenir à une profession, en responsabilité dans l'exécution de misions de service public impliquant la nécessaire préservation de notre maillage territorial. 


Vous trouverez ci-dessous mon intervention en préambule de cette commission spéciale. 
Projet de loi n° 2765 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
Examen en commission
à partir du lundi 8 juin 2015

Intervention de Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur général,
Mes chers collègues,
Lors de l’examen par le Sénat du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, des modifications substantielles ont été apportées aux articles 12 A à 22 ter dont je suis la rapporteure.
Si certains apports du Sénat constituent des avancées intéressantes et témoignent d’une volonté de la Haute assemblée de s’engager dans un travail constructif, d’autres reviennent sur des éléments essentiels du dispositif conçu par notre Assemblée en première lecture, au point qu’ils ont rendu impossible un accord en commission mixte paritaire.
[Les principales modifications du Sénat qui sont incompatibles avec les orientations de l’Assemblée nationale]
Je pense notamment :
·      à la suppression de la compétence du ministre de l’Économie pour la fixation des tarifs et l’établissement de la carte régissant l’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires ;
·      au choix fait par le Sénat de retirer du code de commerce les dispositions appelées à régir les tarifs applicables aux prestations des professions juridiques et judiciaires réglementées ;
·      à la substitution d’un fonds de péréquation intraprofessionnel destiné à prendre en charge les indemnités éventuellement dues par les professionnels nouvellement installés, au fonds de péréquation interprofessionnel que nous avions imaginé pour favoriser l’accès au droit du plus grand nombre ;
·      à la remise en cause, en profondeur, du dispositif d’assouplissement des conditions d’installation des avocats aux Conseils que nous avions bâti, au profit d’un dispositif qui, pour citer le rapporteur du Sénat, M. François Pillet, « restitue au ministre de la Justice le contrôle sur la création des offices » et qui limite l’intervention de l’Autorité de la concurrence à la production d’un avis qui ne lierait pas le garde des Sceaux ;
·      à la réécriture de l’article 19, qui désormais confie au GIE « Infogreffe » (et non plus à l’INPI) la mission de diffuser en « open data » et gratuitement, en vue de leur réutilisation, les données du registre du commerce et des sociétés ;
·      à la suppression de l’article 20 quaterqui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d’exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire dans les procédures de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel affectant les entreprises sans salarié et dont le chiffre d’affaires annuel serait inférieur à 100 000 euros.
[Les modifications du Sénat qui constituent des apports utiles]
Si ces modifications ne nous paraissent pas  conformes à l’ « esprit » du texte que nous avons adopté, d’autres sont en revanche bienvenues.
Par exemple, s’agissant de l’article 12 relatif aux tarifs des professionnels du droit, le Sénat a adopté des précisions utiles, en faisant reposer le mécanisme de péréquation sur des tarifs proportionnels portant sur des biens ou droits qui ne seront pas exclusivement « immobiliers » et en supprimant le seuil au-delà duquel des remises ne pouvaient plus être consenties.
Vos rapporteurs n’envisagent pas de revenir sur ces deux apports, pas plus qu’ils n’envisagent de remettre en cause :
·      le choix par le Sénat de fixer au 1erjanvier 2017 la date d’entrée en vigueur de la mesure d’extension du périmètre territorial de l’exercice des compétences monopolistiques des huissiers de justice au ressort de la cour d’appel ;
·      l’amendement qui, adopté à l’initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, vise à reconnaître aux commissaires-priseurs judiciaires une compétence, partagée notamment avec les autres officiers publics ou ministériels, pour organiser et réaliser les ventes judiciaires aux enchères publiques de biens meubles incorporels (et pas seulement corporels) ;
·      l’amendement qui, adopté à l’initiative du rapporteur du Sénat, M. François Pillet, prévoit que l’exercice, en qualité de salarié, des professions de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice et d’administrateur ou mandataire judiciaire ne dispense pas de l’obligation de cotiser au régime d’assurance-vieillesse complémentaire institué au profit de ces professions ;
·      les précisions apportées à l’habilitation que l’article 20 propose de donner au Gouvernement pour créer, par ordonnance, la profession de commissaire de justice, à savoir que cette réforme prenne en considération :
– les règles de déontologie des professions concernées (amendement du groupe écologiste) ;
– les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions (amendement du rapporteur, M. François Pillet) ;
·      les garanties d’une maîtrise des conditions d’exercice et d’une représentation équitable au sein des organes dirigeants au bénéfice des professionnels en exercice au sein des structures permettant l’interprofessionnalité d’exercice, dont l’article 21 propose la création par voie d’ordonnance ;
·      l’article 21 bis qui résulte d’un amendement adopté à l’initiative du Gouvernement et qui vise à sécuriser le transport des scellés judiciaires sensibles (armes ou stupéfiants) en permettant à des entreprises privées de convoyer ces scellés dans les mêmes conditions que celles prévues pour le transport de fonds, bijoux et métaux précieux.
[Les principales modifications suggérées par vos rapporteurs]
Tout en conservant ces améliorations issues des travaux du Sénat, vos rapporteurs vont vous proposer de restaurer les principales orientations que notre Assemblée avait approuvées en première lecture, tout en les enrichissant.
Nous allons vous soumettre un amendement de réécriture globale de l’article 12 qui, tout en préservant certains apports du Sénat :
– rendra au ministre de l’Économie la compétence que nous avons souhaité lui reconnaître pour fixer les tarifs des professionnels du droit, conjointement avec le garde des Sceaux ;
– rétablira le caractère interprofessionnel du fonds de péréquation de l’accès au droit et à la justice, dont la finalité ainsi que les conditions d’organisation, de fonctionnement et de financement seront précisées ;
– associera les avocats à ce dispositif au titre des droits et émoluments qu’ils perçoivent en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires ;
– prévoira, pour les prestations non soumises à un tarif réglementé et donnant lieu à la perception d’honoraires, une obligation de conclusion d’une convention d’honoraires, en cohérence avec ce que notre Assemblée – suivie en cela par le Sénat – a retenu en première lecture pour les avocats à la Cour et aux Conseils.
À cet égard, nous vous proposerons des amendements visant à encadrer les contrôles que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pourra effectuer afin de vérifier le respect de l’obligation désormais faite aux avocats à la Cour et aux Conseils de conclure des conventions d’honoraires avec leur client. Le contrôle du respect de cette obligation ne pourra pas donner lieu à des visites et des saisies. Par ailleurs, le bâtonnier du barreau concerné et le président du conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation devront être informés par écrit de la décision prise la DGCCRF de procéder à des contrôles, au moins trois jours avant lesdits contrôles.
Des amendements vous seront également soumis pour :
– revenir au dispositif d’assouplissement des conditions d’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires que nous avions adopté en première lecture et qui reconnaissait au ministre de l’Économie une compétence pour établir la carte régissant cette installation, conjointement avec le garde des Sceaux ;
– fixer l’entrée en vigueur de ce dispositif d’assouplissement – ainsi que celle de la rénovation des tarifs – au premier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation de la loi (soit vraisemblablement au premier trimestre de l’année 2016) ;
– porter de six mois à un an la durée maximale pendant laquelle les officiers publics et ministériels ayant atteint la limite d’âge de 70 ans pourront continuer d’exercer dans l’attente de la prestation de serment de leur successeur – étant précisé que cette limite d’âge n’entrera elle-même en vigueur qu’un an après la promulgation de la loi, conformément à ce que les deux Assemblées ont voté en première lecture ;
– rétablir la règle du « un pour quatre » que nous avons souhaité instaurer à titre provisoire pour l’exercice, en qualité de salarié, de la profession de notaire, et ce afin de compenser la suppression du dispositif d’habilitation des clercs ;
– supprimer la précision apportée par le rapporteur du Sénat, selon laquelle les cotisations versées par les commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, huissiers de justice et administrateurs ou mandataires judiciaires n’ouvrent pas droit à prestations auprès du régime d’assurance-vieillesse complémentaire obligatoire de ces professions ;
– préciser les conditions d’accès aux professions d’administrateur et de mandataire judiciaires en complétant l’exigence de détention d’un master par des conditions de stage ou d’expérience définies par décret ;
– réintroduire les avocats aux Conseils, les administrateurs et mandataires judiciaires ainsi que les experts-comptables dans le périmètre des professions qui pourront constituer des structures permettant l’inteprofessionnalité d’exercice, tout en précisant que l’intégralité du capital et des droits de vote de ces structures devront être détenues directement ou indirectement par les professionnels exerçant en leur sein.
Deux amendements de réécriture globale des articles 17 bis et 17 ter, relatifs aux avocats aux Conseils, vous seront en outre présentés. Il s’agit :
– d’une part, de restaurer l’architecture globale du dispositif d’assouplissement des conditions d’installation de ces officiers ministériels en supprimant toutefois le mécanisme d’indemnisation que nous avions imaginé et qui, d’après les conseillers du Gouvernement, n’est pas utile ;
– d’autre part, d’inscrire dans l’ordonnance du 10 septembre 1817 le principe du secret professionnel de l’avocat aux Conseils, qui ne semble aujourd’hui être consacré que par le Règlement général de déontologie de la profession.
Telles sont, mes chers collègues, les principales améliorations que nous allons vous suggérer d’apporter au texte.
Je forme le vœu que nous menions en nouvelle lecture un travail aussi constructif que celui nous avons réalisé première lecture.

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