Intervention sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales

Intervention sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales

Discussion générale sur la proposition de loi visant à la protection des victimes des violences conjugales.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers et chères collègues,

Le Grenelle des violences conjugales, organisé par le Gouvernement le 3 septembre 2019, a été un moyen supplémentaire de sensibiliser l’ensemble de la société à cette situation des violences intrafamiliales… 148 personnes sont décédées sous le coup de leur partenaire ou ex-partenaire de vie en 2018 (121 femmes et 28 hommes). 

Ces violences sont à mettre en lien avec la question de l’égalité femmes-hommes qui est déclarée Grande cause nationale de ce quinquennat. Nous savons que ce sont les mentalités qu’il faut désormais voir évoluer, tâche ardue qui passe par cette communication et une organisation fonctionnelle pour l’application par tous les acteurs des textes que nous avons votés.

Cette proposition de loi dont nous allons débattre, fait suite à une loi du 28 décembre 2019, inscrite dans une journée d’initiative parlementaire du Groupe Les Républicains et vient compléter un dispositif utile en s’attachant aux victimes des violences conjugales.

Mais deux PPL à deux mois d’intervalle sur des préoccupations voisines, ne facilitent pas la lisibilité du travail du législateur et la crédibilité de notre institution.

La France a ratifié la convention d’Istanbul sur la prévention contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique. Un groupe d’expert, le GREVIO, a rendu son premier rapport fin 2019. Il souligne que les lacunes qui perdurent en France sont en lien avec une société qui peine à inscrire l’égalité des femmes et des hommes dans la réalité. 

Cette proposition de loi comporte des orientations sur des notions très complexes qui auraient mérité une étude d’impact.

Je ferai quatre observations:

1-Sur l’autorité parentale

On ne peut qu’être d’accord avec des dispositions qui protègent l’enfant. Dans la suite de la loi Pradié, les mesures qui visent à un examen automatique de l’autorité parentale par le juge, en cas de violences conjugales, ne font pas débat… si ce n’est de comprendre ce qui change avec le précédent texte.

2-En revanche, sur le secret médical, les dispositions ne nous paraissent pas pertinentes et très certainement précipitées.

La levée du secret médical entrainerait un risque de signalement contre-productif. Si les victimes savent que le médecin informera le procureur contre leur gré, elles n’auront plus confiance en lui et renonceront à prendre rendez-vous.

Nous craignons que le remède soit pire que le mal.

L’appréciation du danger immédiat dont il est fait mention dans l’article, même si la jurisprudence encadre cette notion, est trop incertaine pour fonder une procédure. Il nous semble opportun en revanche d’insister sur l’accompagnement et l’orientation des victimes, vers les réseaux d’acteurs et d’associations spécialisés.

Le « Je tairai les secrets qui me seront confiés » est un impératif déontologique ancien qui entre en cohérence avec la loi de 2002 sur le droit des malades.

Enfin, la notion d’emprise et de péril est déjà dans la loi et permet au médecin d’agir en conscience.

 

3-Sur la médiation

Il est admis qu’elle ne constitue pas une procédure adaptée dans le cadre des violences conjugales. Nous avions d’ailleurs déjà proposé d’écarter ce dispositif, au moment du projet de loi justice en 2019. Il est satisfaisant mais aussi consternant du point de vue de l’efficacité, de voir de nombreuses de nos propositions rejetées dans un premier temps et revenir dans une autre loi, sous la forme d’un amendement de la majorité !

Signalons que l’article 48 de la convention d’Istanbul interdit les modes alternatifs de résolution des conflits obligatoires, y compris la médiation et la conciliation, dans le cadre des violences faites aux femmes. Nous ne pouvons qu’approuver cette interdiction même si elle est tardive. Et cette même réflexion doit être logiquement appliquée à la composition pénale.

4-Sur l’aide juridictionnelle

La proposition de loi est peu ambitieuse. Le rapport de mes collègues Gosselin et Moutchou préconisait que cette aide soit accordée de droit, sans condition de ressources, pour les victimes de violences conjugales, dès le dépôt de plainte. Le texte en est loin, puisqu’il renvoie à un décret la liste des procédures où l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle serait automatique. Et, nous ne pouvons qu’être déçus sur ce point du renvoi au réglementaire d’une liste qui pourra être modifié à souhait. Le législateur a perdu la main.

En conclusion :

Nous allons débattre de ce texte, en responsabilité, en sachant que les victimes et les acteurs qui les soutiennent, ont besoin de règles simples, claires et efficaces, et de moyens financiers permettant de les mettre en œuvre. Notre groupe pour la première de ces raisons, votera cette proposition de loi.

L’application concrète de ces mesures comme celles prises dans le cadre de la loi Pradié,  nécessitent des moyens financiers. Je salue l’initiative du ministre de l’intérieur prévoyant le financement des Intervenants sociaux en Gendarmerie et au Commissariat. Mais ce dispositif devrait être mis en place dès à présent et non pas seulement en 2021. C’est maintenant que les acteurs sont entièrement mobilisés pour gagner dans cette lutte engagée contre les violences conjugales et les violences faites aux femmes et c’est maintenant qu’il faut les soutenir financièrement.

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