[video] renforcer le parlement, thème de la mission de réflexion sur l'avenir de nos institutions

Intervention lors de l'audition de Bernard Manin sur le thème de la représentation :


Intervention lors de l'audition de Pascal Jan sur le thème du bicamérisme :




S’agissant de la dissolution : je suis assez favorable à l’idée de supprimer le pouvoir de dissolution par le Président de la République, qui pourrait inciter certains députés à repenser leur décision lors du vote d’un Projet de loi. Pour compenser cette suppression, il importe de réfléchir à un nouvel équilibre des pouvoirs entre la responsabilité du Gouvernement et celle de l’Assemblée nationale.
Je proposerais donc la dissolution mais avec une contrepartie, celle de l’instauration d’un système proche de celui qui fait la réputation de l’Allemagne, à savoir la motion de défiance constructive, c’est-à-dire que l’on ne peut renverser un Premier ministre, et donc un Gouvernement, que si l’on se met d’accord en même temps pour un nouveau Premier ministre. Cela éviterait les crises et les périodes de trop grande instabilité.

S’agissant du nombre de députés : une diminution aurait pour conséquence de créer une assemblée de fonctionnaires. Or, la bureaucratie est à mon sens suffisamment puissante pour ne pas écraser le politique de manière supplémentaire.
La réduction du nombre d'élus qui permet au Parlement d’effectuer un vrai contrôle du gouvernement, et une véritable évaluation des politiques publiques est un risque à mesurer.
Un accroissement des fonctionnaires mis à disposition des députés serait donc nécessaire, sans une diminution du nombre de ceux-ci.
Par ailleurs, les grands corps de l’État devraient être partiellement mis au service du Parlement. Les conditions sont aujourd’hui trop restrictives pour qu’un député puisse faire appel au Conseil d’État ou à la Cour des comptes. Il faut développer ces possibilités, et les élargir à une saisine par les parlementaires des autorités administratives indépendantes, du type CNIL, Autorité de la concurrence, etc. pour permettre d’avoir un avis d’experts sur certaines questions.

Sur les études d’impact.  Il importe de se poser la question des effets recherchés à travers le Projet de loi et en quoi ce Projet de loi est susceptible de les atteindre. Le Parlement doit être en mesure d’évaluer les effets que la loi a produit à l’issue de quelques années. Et là se pose la problématique de l’évaluation qui nécessite plus de personnel, et plus de possibilité de saisir la Haute administration et les AAI.

Sur les ALC : il faut les généraliser, rappelant le rôle de balancier du député, qui doit à la fois rendre des comptes et défendre des amendements ou des propositions de loi soutenus par les citoyens. Sans les rendre obligatoire dans un texte, il importe de continuer à les promouvoir afin que la Parlement devienne un grand ALC, véritable technique de représentation des attentes citoyennes. Les ALC permettent de garantir une meilleure adéquation entre les attentes citoyennes et les actions des élus, soit en représentant directement des propositions issues du terrain, soit en expliquant aux citoyens pourquoi tel ou tel réforme a été soutenu par lui.

Il faut également développer la déontologie interne du député, en complétant substantiellement la Charte de déontologie des députés qui est d’une pauvreté incroyable. À ce titre, il faudrait que le déontologue publie à l’intérieur d’un document unique l’ensemble des bonnes pratiques et qu'un statut du parlementaire, à l'instar de ce qui existe au Portugal, soit défini. 

Il faut développer le pouvoir parlementaire sur l’Europe, notamment vis-à-vis du Premier Ministre qui n’a pas la légitimité pour se prononcer sans l’accord du Président de la République. Nous pourrions envisager le renforcement des pouvoirs du Parlement par l’obligation d’un débat sur les propositions défendues par le Premier Ministre. Je défens l’idée d’une création d’une commission plus étendue, à la proportionnelle des groupes politiques, spécialement dédiée à l’UE, avec des membres selon les thématiques chargés de se rendre avec le Premier Ministre au sein de l’UE et de suivre les négociations.

Il faut supprimer les questions d’actualité, en tout cas les limiter à une après-midi et non à deux. De même, la discussion générale d’un texte législatif tourne parfois à vide, et s’avère trop longue. Le droit d’amendement est mal utilisé, l’opposition dépose 20 fois le même avec des variantes ridicules, et l’on débat pendant des heures, sans fond.

Enfin, il faut un non cumul des mandats au niveau local également. 

Sur le Bicamérisme :

La France doit rester un État bicaméral mais doit réinventer son bicaméralisme. Par ailleurs, il n’y a aucune raison à maintenir la limite d’âge actuelle des sénateurs, pourquoi les anciens seraient-ils plus sages, et pourquoi faudrait-il absolument être sage alors que l’AN l’est déjà en raison du fait majoritaire. Il est nécessaire de faire entrer des jeunes dans cette enceinte parlementaire.

Cette réinvention passe tout d’abord par un nouveau mode de scrutin. Aujourd’hui, le mode de scrutin actuel envoie au Sénat les barons locaux, il s’agit trop souvent d’une cooptation entre élus, dont les heureux lauréats ne sont pas ceux qui sont les plus représentatifs de la société civile, mais ceux qui sont les meilleurs dans la stratégie politique, les alliances, les concessions, etc.
Et même si les sénateurs représentent les collectivités territoriales, les rapports de force sont tronqués. On voit bien que tous les intérêts locaux ne sont pas pris en compte.Cela n’entraîne pas nécessairement de mauvaises réformes, mais cela exclut clairement la prise en compte des intérêts ruraux, sociaux, etc.

Pour se décider sur le mode de scrutin, il convient de se demander ce que l’on veut faire de cette deuxième chambre. Il convient sans doute de réfléchir à une fusion ou une annexion  du CESE. Toutefois, il est nécessaire de prévoir un mode de scrutin et une organisation intérieure à cette nouvelle seconde chambre qui ne soit pas le lieu d’expression des lobbies. Ainsi, à l’intérieur de chaque commission, il conviendrait de mélanger en quelque sorte tous les intérêts économiques, toutes les valeurs, les professions, etc.
La question est de savoir quels sont les intérêts qui doivent être représentés : les syndicats, les salariés, les patrons, les associations, l’environnement. Par quel biais peut-on les élire : sur des listes au sein de chaque corps de métiers et associations, les élections seraient internes à cet ordre professionnel, associations, etc. 

Cette seconde chambre doit disposer d’un véritable pouvoir d’initiative, de délibération et de décision à l’instar de l’AN, sinon cette chambre constituera le règne des lobbies. Un nouveau statut doit alors être prévu, pour imposer à ces professionnels élus, des devoirs de réserve, de discrétion, dans le but de les faire travailler pour l’intérêt général, et pas seulement pour les intérêts qu’ils représentent.

Cette seconde chambre doit avoir une optique plus délibérative, et éventuellement réfléchir dans une perspective de long terme, sur des réformes plus étendues.

Sur le pouvoir exécutif :

Quelques pistes à imaginer :
-          rendre plus souvent compte devant le Parlement de son action, autrement que par les questions au Gouvernement ou les questions d’actualité, qui sont inutiles.

-          comme pour le 49 al. 3 de la Constitution depuis 2008, limiter le nombre de recours à la procédure accélérée mais prévoir une procédure avec une seule navette laissant le temps aux parlementaires de travailler sur le texte. 

-          prévoir une responsabilité individuelle des ministres devant le Parlement, et pas seulement collective.

-           trouver les moyens de garantir la solidarité gouvernementale, limiter le droit et la liberté de parole en définissant lors du conseil des ministres la doctrine claire, un discours homogène porté par chaque ministre.

-           créer un droit gouvernemental, réglementant d’une manière stable, sans forcément créer de bloque et de rigidité, le fonctionnement des cabinets ministériels, des instances de coordination, des circuits de fabrication de la loi, etc.

 Sur la fête de la politique pour renouer la solidarité :

Je souhaite insister sur une proposition que j’ai esquissée lors de la réunion du 13 février 2015. Il s’agit de créer une fête de la politique, sur le modèle de celle qui est proposée par le constitutionnaliste américain Bruce Ackerman (v. J.F. Kerléo, « Faites de la politique, Fête de la politique », Huffington post, 2 juin 2014).
 
Il s’agirait avant chaque grand rendez-vous électoral de permettre aux citoyens de se réunir, de se rencontrer, afin de discuter et de débatte des grands enjeux et des priorités politiques, économiques, sociales sur lesquelles les partis politiques doivent faire des propositions et se positionner. En ce sens, les citoyens pourraient pleinement s’accaparer la politique, avoir l’impression que la campagne politique est faite pour eux, et répond à leurs besoins, leurs attentes. Cette journée réinventerait le vivre-ensemble en France dans le contexte de pluralisme des idées, opinions, religions.

En somme, le regain des partis politiques passera par l’ouverture aux citoyens. Une telle rencontre permettrait aux citoyens de se réapproprier la politique, et de permettre aux partis politiques d’incarner des idées, des valeurs à propos desquelles les citoyens attendent des positions claires, fermes, argumentées.

 Cecile Untermaier

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