Conférence sur le vote électronique et la e-démocratie

Conférence sur le vote électronique et la e-démocratie

Mercredi, j'ai participé à la conférence « E-démocratie et vote électronique : regard croisé Estonie/ France », organisé par le Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) de Paris, en compagnie de Katrin Nyman Metcalf, juriste experte en e-gouvernance et droit des technologies de l’information.

L’échange s’est déroulé autour des nouvelles technologies, leur potentiel en termes de participation citoyenne à la vie politique et leurs enjeux.

Mon interlocutrice a présenté l’implantation du vote électronique et de la E-démocratie en Estonie, pays leader en la matière, lequel a instauré dès 2005 le vote par correspondance. J’ai poursuivi avec une présentation de la réflexion des parlementaires français sur la question.

  • Sur le vote électronique (machine à voter ou vote par internet)

La France se caractérise par son scepticisme et son retard. Aujourd’hui, seules 66 communes sont équipées en machines à voter, dont le développement n’a pas été prioritaire. Concernant le vote par internet, celui-ci n’est utilisé que pour les Français vivant à l’étranger et votant pour les élections consulaires et législatives.

Ce scepticisme s’explique par plusieurs facteurs. Le risque de hacking ne peut être totalement écarté. Les Français résidant à l’étranger n’ont pu voter par internet aux législatives de 2017, la plateforme de vote ayant fait l’objet d’un niveau de menace extrêmement élevé de cyberattaques.

Par ailleurs, nous ne sommes pas encore en mesure de garantir pleinement le secret de l’identité des votants.  En effet, dans certains cas la nature du vote est associée dans une base de données à l’identité du votant, compromettant le secret de son choix. La généralisation des cartes d’identité numériques permettrait de contourner cet écueil, avec la création d’une véritable identité numérique.

Qui plus est, il importe de s’assurer du bon enregistrement du vote et de certifier le décompte global des voix. Sur internet, par exemple, les votes sont exprimés directement sur le serveur et peuvent être interceptés ou altérés.

Enfin, le vote traditionnel en présentiel constitue un rituel républicain, symbolisé par l’isoloir. C’est un moment précieux de la démocratie.

Pour autant, le vote électronique présente de nombreux intérêts : il permet une accélération du décompte des voix, une réduction des coûts, une simplification administrative (évite les procurations.

Le vote électronique pourrait également réduire l’abstention que l’on pourrait nommer « de force majeure » (impossibilité de se rendre au bureau de vote malgré l’intérêt, oubli de donner sa procuration), mais celui-ci ne réduira pas l’abstention due à un désintérêt et une défiance de la politique. Cela passe par des mécanismes plus structurels de développement de la participation citoyenne.

Compte tenu du potentiel de ce nouvel outil, les parlementaires sont de plus en plus favorables au vote électronique. Un rapport de la commission des lois du Sénat de 2018 s’est prononcé en faveur de cette évolution.  A la lumière de la crise sanitaire, de nombreuses propositions de loi ont été récemment déposées. Toutefois, l’application immédiate du vote électronique, notamment pour les élections régionales et départementales, a été jugée précoce par un rapport du Sénat. L’engouement doit s’accompagner d’une sécurisation du vote préalablement à sa mise en place.

 

  • Sur la E-démocratie

Les nouveaux outils numériques (consultations en ligne, pétition en ligne, utilisation des réseaux sociaux, référendum d’initiative partagée…) présentent un potentiel intéressant dans un contexte de défiance des citoyens envers les élus. Ils doivent permettre à ces derniers de faciliter leur intégration sur toute la durée du processus de création de la loi.

Cependant, la fracture numérique, autrement dit l’inégalité d’accès et la formation à l’usage d’internet, constitue un obstacle de taille. En 2017, 43 % des Français qui vivent en zone rurale et 30 % des Parisiens se disent inquiets à l’idée d’accomplir en ligne des démarches administratives et 15 % de nos concitoyens n’ont pas accès à Internet.

Le groupe de travail relatif à la démocratie numérique et la participation citoyenne a donc élaboré plusieurs propositions en lien avec l’institution de l’Assemblée nationale notamment:

  • Inscrire dans la Constitution le droit d’accès à internet et à la formation numérique, à l'instar de l'Italie qui envisage également d'inscrire dans sa Constitution le droit à internet.
  • Créer un espace ouvert à l'Assemblée dédié, où citoyens pourraient travailler auprès des parlementaires.
  • Refonte du site de l’Assemblée nationale, afin de rendre plus lisible le processus législatif et surtout créer un dialogue entre citoyens et députés tout au long de l’examen des textes...

Toutefois, la E-democratie ne se suffira pas à elle-même pour rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions. Ces nouveaux outils doivent accompagner la démocratie représentative afin d'intégrer pleinement la participation citoyenne. Cela se traduit par des mécanismes de consultation sur le terrain (ateliers législatifs citoyens, conseils citoyens), entre députés et citoyens.

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