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Projet de loi immigration : audition du ministre Gérald Darmanin

Projet de loi immigration : audition du ministre Gérald Darmanin

Le projet de loi « immigration » arrive la semaine prochaine en commission des Lois. Le ministre de l’Intérieur a donc été auditionné préalablement à l’examen du texte, ce mardi par les commissaires aux lois. 

Il s’agit de la 29ème loi sur l’asile et l’immigration depuis 1980. Ces réformes s’empilent et le résultat est celui d’un maquis normatif indéchiffrable. Elles avaient pour principal objectif de montrer que l’Etat avait la main ferme, mais ont eu pour conséquence de rogner les droits des étrangers, d’affaiblir les capacités d’accueil, de réduire les délais de procédure, d’avoir des juridictions embolisées, des préfectures incapables de fixer des rendez-vous, et donc de renforcer les désordres et la perception d’un problème par la population. L’échec de notre politique d’immigration se traduit par des milliers d’OQTF édictées sans discernement et non exécutées. Cette politique accueille mal, intègre mal, protège mal, reconduit mal.

Il est essentiel d’avoir un vrai débat parlementaire, pour sortir des fantasmes de la submersion ou du « grand remplacement ». Si l’immigration a augmenté ces dernières années en raison des désordres géostratégiques, des guerres ou du réchauffement climatique, elle est loin de justifier les peurs qui sont agitées : pour moitié, l’immigration est liée aux migrations estudiantines ; pour un quart, elle est liée au travail encouragé par le visa talent et pour un dernier quart elle est liée aux demandes d’asile. 

Loin de la volonté des socialistes de bâtir une politique migratoire claire, humaine et donc efficace, le projet de loi à venir, fortement durci par le Sénat, ne fait pas exception aux textes précédents. 

Les principales mesures

Dans le projet de loi initial du Gouvernement 

  • Condition de la maîtrise de la langue française pour l’obtention de la carte pluriannuelle
  • Créer une carte de séjour temporaire mention « métiers en tension »
  • Faciliter les expulsions des étrangers bénéficiant de la protection « quasi-absolue » (étranger arrivé en France avant 13 ans, résidant en France depuis 20 ans…)
  • Etendre les OQTF aux étrangers spécialement protégés
  • Permettre la prise d’empreinte par coercition
  • Limiter la présence des mineurs dans les CRA (moins de 16 ans) 
  • Conditionner l’octroi d’un titre de séjour à la signature d’un engagement à respecter les principes de la République
  • Aggravation des peines applicables aux passeurs sans suppression du délit de solidarité
  • Création des pôles territoriaux « France asile » pour délocaliser l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
  • Création de chambres territoriale de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) + généralisation du juge unique
  • Réduction du nombre de procédures applicables en droit des étrangers et généralisation de la visio-audience 

Dans le texte issu du Sénat 

  • Fixation de quotas d’immigration
  • Durcissement des conditions du regroupement familial
  • Durcissement des conditions d’accès au titre d’étranger malade
  • Caution exigée pour les visa « séjour étudiant » + contrôle du sérieux des études
  • Expérimentation de l’instruction à 360° (l’administration examine tous les motifs susceptibles de justifier la délivrance d’un titre)
  • Suppression de l’aide médicale d'Etat (AME) / Création de l’aide médicale d’urgence
  • Exclusion des étrangers bénéficiant de l’AME des réductions tarifaires accordée par les autorités de transport
  • Condition de résidence durant 5 ans pour l’ouverture des prestations sociales (allocations familiales, prestation compensation handicap, APL)
  • Déchéance de nationalité pour les binationaux coupables d’homicide sur des personnes dépositaires de l’autorité publique
  • Restriction du droit du sol : sur demande et exclusion si peine de 6 mois de prison
  • Allongement des délais de mariage et de la communauté de vie pour l’accès à la nationalité
  • Suppression du visa métiers en tension
  • Limitation de l’accès au séjour des jeunes majeurs pris en charge par l’Aide sociale à l'enfance (ASE) avant l’âge de 16 ans
  • Création d’une médaille de l’intégration 
  • Création d’un fichier « mineurs non accompagnés » délinquants
  • Refus des contrats jeunes majeurs en cas d’OQTF
  • Conditionner l’aide au développement à la politique d’émission des laisser passer consulaire
  • Systématisation du prononcé d'une OQTF et interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie (PUMA) pour les déboutés du droit d'asile
  • Extension des cas dans lesquels l’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil  

Mes questions au ministre de l’Intérieur :

Concernant la dignité de l’accueil des étrangers, nous avons tous connu les files devant les préfectures. Celles-ci ont disparu mais en tant que parlementaires, nous recevons dans nos permanences des étrangers qui sont dans l’incapacité d’avoir l’accès au droit. Je souhaiterais savoir si dans ce texte, on ne peut pas apporter des garanties d’accès aux droits aux étrangers qui le demandent sur le territoire. 

Concernant la réforme de la Cour nationale du droit d’asile, la réforme portée dans le projet de loi s’inscrit dans une recherche de raccourcissement des délais d’instruction des dossiers. Mais beaucoup de spécialistes s’inquiètent de cette réforme. Ne faut-il pas plutôt prévoir un moratoire par rapport à la CNDA, qui ne fonctionne pas si mal. Je ne suis pas sûre que la fin de la collégialité puisse apporter des garanties par rapport à l’examen de dossiers qui sont extrêmement complexes et sur lesquels il faut mesurer aussi le caractère dangereux d’un certain nombre d’étrangers qui voudraient entrer sur le territoire français. Donc rejoignons aussi les préoccupations qui sont les vôtres. Je ne suis pas sûre que le recours au juge unique soit la solution qui garantit la meilleure analyse. Se pose aussi la question de la formation insuffisante des juges de l’asile et du cadre déontologique de ces derniers. 

Les réponses à mes questions n'ont pas été apportées ou que partiellement par le ministre.

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