Lettre ouverte à la ministre de la Justice sur la protection de l'enfance

Lettre ouverte à la ministre de la Justice sur la protection de l'enfance

Suite à la parution, lundi 5 novembre, dans Le Monde et sur France Inter d'une tribune signée des quinze juges des enfants du tribunal de Bobigny lançant un cri d’alarme inquiétant face à la dégradation des dispositifs de protection de l’enfance :

Lire la tribune des juges pour enfants de Bobigny

J'ai adressé mardi, une lettre ouverte à la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, sur cette problématique de la protection de l'enfance et de l'insuffiance des moyens qui y sont affectés :

Madame la garde des Sceaux, Ministre de la Justice,

Dans une tribune parue ce lundi 5 novembre dans le journal Le Monde, quinze juges des enfants de Seine-Saint-Denis nous disent ne plus pouvoir exercer correctement leur travail. Des magistrats dont les missions sont précisément de décider de mesures d’assistance éducative ou de privation de liberté pour l’enfance en danger et l’enfance délinquante. C’est un cri de désespoir et de souffrance que nous ne pouvons pas ignorer. Il exprime l’état d’abandon dans lequel se trouvent de grands professionnels de la justice et les enfants à qui nous devons assistance.

Vous avez obtenu, Madame la ministre, une majoration de 24 % des crédits réservés à la justice pour la période 2018-2022. Vous avez également créé un nouveau poste de juge des enfants au Tribunal de Bobigny, mais selon mes informations, il manquerait dix greffiers et les effectifs comme les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, qui porte les mesures éducatives dans le champ pénal, sont en diminution constante. Vous le savez, l’enfance en danger, l’enfance délinquante ont besoin de rencontrer le juge. 65 % des jeunes délinquants ne récidivent pas : ce chiffre démontre la qualité de notre justice quand elle est au rendez-vous de son histoire professionnelle.

Il faut que l’Etat règle politiquement la question du nécessaire soutien aux départements submergés, pour certains, par la question des dossiers des mineurs étrangers non accompagnés, qui sont avant tout des enfants. L’État doit toujours garantir le caractère effectif des mesures alternatives qu’il met en œuvre par la création de postes d’éducateurs au sein de la protection judiciaire de la jeunesse.

Ce ne sont pas des mesures de simplification que demandent ces juges, mais principalement de pouvoir rendre effectives les mesures éducatives qu’ils décident et qui ont du sens. Ils ne veulent pas des procédures pénales qui changent sans cesse et qui les contraignent à regarder en permanence le Code pour savoir ce qui a été modifié. Il nous faut agir d’autant plus que nous ne l’avons pas fait suffisamment depuis plus de trente ans, confortant ainsi la défiance vis-à-vis de cette institution fondamentale.

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