Examen du texte Parquet européen et justice environnementale

Examen du texte Parquet européen et justice environnementale

Le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice spécialisée a été examiné cette semaine en séance publique après passage en Commission des Lois.

Ce dernier prévoit deux axes majeurs de réforme:

  • D'une part la création du Parquet européen, dont le rôle sera d'enquêter et de poursuivre les fraudes au budget de l’UE et d’autres infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (escroqueries à la TVA, corruption, détournement de fonds publics...). Il reposera sur un échelon central à Luxembourg et 22 échelons déconcentrés au sein de chaque Etat membre étant partie prenante au projet.
  • D'autre part la création d'une justice spécialisée et notamment d'une justice environnementale, avec l'établissement de pôles spécialisés dans le contentieux environnemental, dans le ressort de chaque Cour d'appel.

Responsable du texte pour le groupe, je suis donc intervenue en discussion générale sur le texte. ⬇

"Monsieur le Ministre,

Madame la Rapporteure,

Mes cher-e-s collègues,

1-S’agissant du titre premier, la transposition du Règlement relatif au Parquet européen n’appelle pas, pour ma part, d’observation au fond.

C’est une belle avancée institutionnelle, le résultat d’un travail de nombreuses années, dont le pas décisif est franchi aujourd’hui. On doit rappeler ici le rôle de Christiane Taubira. L’arrivée d’un parquet européen, doté d’un statut d’indépendance et intégré dans notre système national, pose toutefois plus que jamais la question de la nécessaire indépendance statutaire du parquet français. La seule réponse est de revisiter le statut du parquet et imposer que le CSM propose la nomination des plus hauts magistrats de l’ordre judiciaire, comme cela avait été engagé par la proposition de loi constitutionnelle présentée sous le précédent quinquennat.

Dans l’esprit de cette harmonisation, il importe que la France se hisse au niveau des autres Etats membres. Le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, récemment publié, confirme que le budget ne permet pas le fonctionnement d’une justice efficiente.

2- La question de la justice spécialisée et plus spécifiquement de la justice pénale environnementale consacrée à l’article 8 a généré pour sa part, l’essentiel des amendements, révélant l’attente forte sur ce sujet. La mission conjointe des ministères de la Justice et de la Transition écologique rappelle,  à l’appui de ses recommandations, que « notre espèce est en capacité de provoquer sa propre extinction après avoir détruit les grands équilibres de la planète » et qu’il est urgent de nous doter d’un arsenal préventif et pénal efficace,  pour prévenir et condamner à réparation les atteintes à l’environnement.

Ce texte ne porte pas cette ambition, ni celles attendues par la convention citoyenne pour le climat. Il s’agira d’un autre texte nous dit-on. Quoi qu’il en soit, rapprocher justice et environnement est essentiel et en cela le texte va dans la bonne direction.

La création de juridictions spécialisées  avec des magistrats formés à la question environnementale se justifierait par la technicité et complexité par essence du droit de l’environnement. Elle est en tout hypothèse, le résultat d’une indigente activité judiciaire, s’agissant des litiges environnementaux. Le contentieux environnemental représente seulement 1% des condamnations pénales et 0,5 % des actions civiles, des chiffres  dérisoires à mettre en regard avec la protection de l’environnement qui constitue à juste titre une préoccupation première des citoyens.

Trop peu de constatations et de contentieux  car trop peu d’inspecteurs de l’environnement en capacité de dresser un constat et trop peu de poursuites ordonnées par les procureurs. Pour poursuivre, il faut une enquête et un dossier. C’est la loi de l’impuissance et donc de l’impunité. 

3- En matière fiscale, la convention judiciaire d’intérêt public a démontré son efficacité. La prévoir ici dans le domaine environnemental, pourquoi pas, à condition toutefois de considérer évidemment que l’écologie ce n’est pas le fiscal et que l’atteinte aux biens n’est pas l’atteinte souvent irréversible à l’environnement. Un préjudice écologique ne se répare jamais vraiment. Il ne s’agit pas, par ce dispositif réparateur, de banaliser un tel préjudice. Une telle convention ne peut donc être strictement calquée sur le modèle de la fraude fiscale et c’est pourquoi nous proposerons des amendements tenant compte de l’enjeu écologique.

C’est ainsi que nous demandons que les associations de protection de l’environnement agréées soient associées en amont de la conclusion de la convention judiciaire, pour éclairer le magistrat. La complexité exige la diversité des analyses et, l’inscription dans la loi d’une telle mesure serait de nature à rassurer tous ceux qui œuvrent à la protection de l’environnement. 

Par ailleurs, la Convention ne doit pas évacuer le risque réputationnel pour la personne mise en cause. Toute décision de justice doit avoir une force pédagogique et afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions pécuniaires, il importe, dans un souci de transparence, de garantir une publicité de la CJIP dans la presse locale.  La convention est un outil permettant un traitement plus rapide d’un litige, elle ne perd pas de son attractivité par ces deux préconisations.

4- Dans le rapport ministériel « Justice et environnement » dont je viens de parler, il est recommandé que  les préfets devraient être évalués sur leurs capacités à protéger l’environnement et prévenir ses atteintes au même titre que leurs autres compétences. C’est une belle recommandation tirée du constat que ce n’est pas le cas actuellement. Et, la loi ASAP, par ailleurs fortement censurée par le Conseil constitutionnel, les invite pourtant à baisser la garde sur ce sujet, en chevauchant des procédures pourtant destinées à la prévention.

5-Enfin, l’article 12 vient concrétiser la promesse faite par Nicole Belloubet de revenir sur le dispositif de la loi Macron qui n’avait pas pu être mis en place et de mettre dans la loi la convention volontaire obligatoire qui se pratique déjà.  Nous proposons simplement que ce dispositif fasse l’objet d’un texte réglementaire fixant avec la profession, les règles élémentaires de ce fonctionnement, de sorte de la protéger des conséquences anti-concurrentielles.  Il s’agit là de s’inspirer du modèle déjà existant des conventions volontaires obligatoires consacrées aux articles L. 632-1 à L. 632-12 du code rural et de la pêche maritime.

Globalement, le parquet européen recueille notre adhésion, la justice spécialisée va dans le sens d’une réparation possible du préjudice écologique, et l’article 12 est un pas vers la transparence du soutien des professionnels entre eux.

En conclusion, notre groupe ne s’opposera pas à ce texte."

Cécile Untermaier,

Le 8 décembre 2020

Un Commission mixte paritaire, à laquelle je participerai, sera convoquée la semaine prochaine, afin de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi.

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