Examen du projet de loi sur le Parquet européen et la justice environnementale

Examen du projet de loi sur le Parquet européen et la justice environnementale

La Commission des lois a examiné cette semaine le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice spécialisée adopté par le Sénat et déposé à l'Assemblée nationale en mars 2020.

Celui-ci est divisé en trois titres:

1) Les dispositions relatives au Parquet européen

Un Parquet européen, lequel siègera à Luxembourg, a été créé à l'échelle de l'Union européenne avec la participation de 22 Etats membres. Son rôle sera d'enquêter et de poursuivre les fraudes au budget de l’UE et d’autres infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (escroqueries à la TVA, corruption, détournement de fonds publics...). Il reposera sur un échelon central et 22 échelons déconcentrés au sein de chaque Etat membre.

Le titre I modifie ainsi le code de procédure pénale afin d'intégrer dans le droit français la création de ce nouveau Parquet et l'articulation des compétences entre les magistrats français et européens.

2) La création de justices spécialisées

Le titre II étend les compétences des parquets nationaux spécialisés, propose de créer un pôle spécialisé dans le contentieux environnemental dans le ressort de chaque cour d’appel et fixe des règles destinées à régler les conflits de compétences entre juridictions.

3) Dispositions diverses

Le titre III comporte des dispositions diverses qui procèdent à des adaptations dans le code de procédure pénale, auxquelles s’ajoutent deux mesures de fond.

 

Le garde des Sceaux a donc été auditionné sur ce texte, à la suite de quoi, la discussion générale, lors de laquelle je suis intervenue, s'est poursuivie. ⬇

"Madame la Présidente,

Monsieur le garde des Sceaux,

Mes chers collègues,

1- La transposition du Règlement relatif au Parquet européen n’appelle pas d’observations au fond, tant il est vrai que nous avons déjà beaucoup travaillé sur ce sujet. C’est une longue histoire qui prend ses racines dans le traité de Lisbonne (2007). Christiane Taubira a fait le choix de poser le principe d’un Parquet européen permettant ensuite à chaque Etat membre d’adapter ses procédures, et non l’inverse. C’est ce que nous faisons aujourd’hui en rendant l’application du Règlement compatible avec notre organisation judiciaire. Deux procureurs européens délégués en France vont être désignés, avec des compétences en partie reprises au Juge d’instruction, pour permettre à la Chambre permanente désormais en place à la Cour de justice européenne, de disposer partout dans les 22 Etats membres et donc en France, d’un même arsenal d’actions judiciaires.

C’est une formidable avancée institutionnelle qui tend à harmoniser la justice des Etats membres, parions que nous harmoniserons aussi nos budgets justice.  L’arrivée d’un parquet européen, doté d’un statut d’indépendance et intégré dans notre système national, pose plus que jamais la question de la nécessaire indépendance statutaire du parquet français. Les justiciables français n’auront pas les mêmes garanties quant à l’indépendance du parquet, autorité de poursuites, selon que l’infraction commise préjudicie aux intérêts financiers de l’Union ou non.

La seule réponse est de revisiter le statut du parquet et imposer que le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) propose la nomination des plus hauts magistrats de l’ordre judiciaire.

Le Parquet européen doit faire ses preuves et il pourrait voir sa compétence étendue aux crimes environnementaux les plus graves. L’écocide qui ne sera pas traité dans ce texte et qui renvoie à des catastrophes écologiques, des crimes contre la nature, est un objectif que nous devons poursuivre au niveau européen.

2) Il est d’ailleurs question de justice pénale environnementale dans ce texte. En l’état, il ne porte pas l’ambition que les citoyens attendent sur ce sujet.

Nous attendons mieux, certes il ne s’agirait  pas  de satisfaire à la demande de la convention citoyenne pour le climat d’un écocide que nous avions porté avec notre  collègue Christophe Bouillon. Mais d’un délit d’atteinte à l’environnement et d’un délit de mise en danger. Ce sont précisément des amendements que nous avions déposés relayant des préoccupations depuis longtemps partagées avec FNE, Sherpa et la SNPN. Ils ont été déclarés irrecevables.

La création de juridictions spécialisées avec des magistrats formés à la question environnementale est sans doute aussi le résultat d’une indigente activité judiciaire s’agissant des litiges environnementaux. Les manquements sont pourtant nombreux, concernant les déchets, les zones natura 2000, les infractions à la police de l’eau… Trop peu de constatations et de contentieux  parce trop peu d’inspecteurs de l’environnement en capacité de dresser un constat et de permettre au procureur de poursuivre. Pour poursuivre, il faut une enquête et un dossier. C’est la loi de l’impuissance et donc de l’impunité en matière environnementale, le maire est seul sur son territoire. Ce constat que nous faisons actuellement dans les juridictions de première instance, impose aussi une organisation judiciaire dans la proximité.

La convention judiciaire d’intérêt public, pour laquelle nous demandons des garanties supplémentaires, impose une remarque principielle :

En matière de fraude fiscale, une telle convention qui permet à l’Etat de récupérer de l’argent qu’il ne pourrait obtenir rapidement sans la transaction, a tout son sens.

Dans le domaine de l’écologie, il y a la notion d’une réparation de quelque chose qui ne se répare jamais vraiment et dont l’impact grave ne peut faire l’objet d’une procédure donnant le sentiment que l’on transige sur une question qui appelle au contraire toute la force d’un procès. Des dispositions doivent accompagner cette convention au regard de la nature même du litige et de sa gravité. L’atteinte à l’environnement est d’une toute autre dimension que celle d'une question financière.

Enfin l’article 12 vient concrétiser la promesse faite par Nicole Belloubet de revenir sur le dispositif de la loi Macron qui n’avait pas pu être mis en place. On atterrit plus mollement au regard de ce que nous avions voté avec Emmanuel Macron, les lobbies ont fait leur travail. Mais nous ne reviendrons pas sur ce sujet. En revanche, nous espérons avoir convaincu le garde des Sceaux sur la pertinence et l’efficience des travaux parlementaires menés avec la majorité sur ces questions.

Globalement, il s’agit d’un texte important qui emporte par les derniers amendements, une dimension environnementale dont nous mesurons l’importance. Le tout sera d’y mettre les moyens."

Cécile Untermaier

Le 24 novembre 2020

 

De nombreux amendements du groupe ont été proposés, notamment sur la justice environnementale, tels la création d'un délit d'atteinte à l'environnement, d'un délit de mise en danger de l'environnement ou encore la publication de la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) dans la presse régionale. Ils ont été rejetés.

 Le nouveau texte issu de la commission est consultable ici.

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