#Inflation législative

Examen de la proposition de loi visant à abroger les lois obsolètes

Examen de la proposition de loi visant à abroger les lois obsolètes

La commission des Lois a examiné cette semaine la proposition de loi tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit, issue du Sénat et qui fait suite aux travaux de la mission « BALAI » (bureau d’abrogation des lois anciennes et inutiles), l'objectif étant d'abroger les lois obsolètes promulguées entre 1941 et 1980 et qui encombrent notre ordonnancement normatif.

Ce texte, au-delà de son contenu, pose plus généralement la question de l'inflation législative, l'articulation des différentes dispositions entre elles et le maintien de lois obsolètes. En 2019, on dénombrait près de 85 000 articles législatifs en vigueur.

Mon intervention :

1/ L’inflation normative n’est pas nouvelle

L’obligation constitutionnelle d’assortir de nombreux projet de loi d’une étude d’impact date seulement de 2008. Dès le début des années 90, le Conseil d’Etat et la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’Etat ont appelé à « légiférer avec mesure » et à « maitriser la production des normes, et leur qualité », en améliorant l’évaluation ex ante de leur impact.

Une circulaire du Premier ministre de 1995 a permis de tester de manière expérimentale l’élaboration d’une étude d’impact pour les projets de loi, cette dernière a été pérennisée en 1998.

2/ L'importance des études d’impact a été réellement reconnue en 2008, bien que dans la pratique, les garanties entourant leur qualité ne sont que trop rarement mises en oeuvre.

Avant 2008, le non-respect desdites circulaires ne faisait l’objet d’aucune réelle sanction. L’étude d’impact pour la grande majorité des projets de loi est devenue une véritable obligation en 2008, passible de sanctions prévues par la Constitution.

Cependant, dans la pratique, jamais une étude d’impact n’a été reconnue comme insuffisante alors que certaines études ne sont pas toujours satisfaisantes. En effet, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale n’a jamais usé de la possibilité qui lui est reconnue de s’opposer à l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi dont l’étude d’impact présente de graves insuffisances.  Le Sénat l’a fait une fois en 2009, mais le Conseil constitutionnel a considéré que l’étude d’impact était suffisante. A ce jour, le Conseil constitutionnel n’a jamais constaté d’insuffisances graves d’une étude d’impact.

Or, cette étape doit permettre dresser la liste des dispositions qui seront obsolètes par la promulgation de la loi en question. Mais les études d’impact restent décevantes sur les options normatives, s’intéressant davantage aux options de fonds qu’aux options normatives.

L’endiguement de l’inflation législative passe par une meilleure considération de l’obligation de réaliser des études d’impact de qualité afin de limiter en amont la multiplication des normes.

3/ Sur la question de l’abrogation « mécanique »

En droit britannique, depuis 2010, il existe la règle du « one in, one out », laquelle a instauré l'abrogation mécanique de normes législatives lors de la promulgation de nouvelles.

Toutefois, le droit français, qui forme un système complet et cohérent, est différent du droit britannique, où les textes sont davantage ciblés sur des cas précis. Donc l’abrogation mécanique pourrait en France engendrer des effets sur d’autres branches du droit. Le risque est de commettre des maladresses et de supprimer certaines dispositions par mégarde, comme cela a déjà été le cas.

Il faut s’assurer que les anciens textes ont bien été passés en revue pour détecter les dispositions devenues incompatibles lorsqu’on modifie une matière. L’amélioration des lois passe davantage par des solutions « micro » plutôt que « macro » et donc que par une systématisation de leur abrogation.

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