Très hautes rémunérations : on ne construit rien de durable en ignorant le réel...

Le ministre de l'Economie, ne craignant pas pour l'occasion de s'exposer, a annoncé qu'il n'y aurait pas de loi pour limiter les hautes rémunérations. On peut entendre que le gouvernement hésite à s'engager dans un processus législatif à la constitutionnalité incertaine. Moins le Conseil Constitutionnel nous censure, meilleur législateur nous sommes. De là à compter sur l'autorégulation des dirigeants des grandes entreprises...

La loi sur la taxation à 66% des revenus supérieurs à 1 M€ ne suffit pas à fermer le dossier. L'explosion des hautes rémunérations, et des écarts entre les plus élevés et les plus faibles, est une donnée majeure du dérèglement des économies. Que certains voient leur force de travail rémunérée 100 ou 200 fois plus que celle des autres est profondément malsain. L'avidité des actionnaires et de ceux qui veillent à leurs intérêts s'exerce au détriment des entreprises, de la masse salariale, des investissements. Elle pervertit le rapport aux rémunérations de toute la société. Comment expliquer à un excellent médecin hospitalier qu'il "vaut moins" qu'un manager d'entreprise ?

La deuxième conférence sociale s'ouvre en juin. Les entreprises françaises ont obtenu depuis un an un fort soutien public pour affronter la crise, à commencer par les 20 milliards du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Ces aides n’ont pas de conditions préalables, elles doivent au moins déclencher une contrepartie : la fin des excès ! Les entreprises doivent prendre des engagements fermes pour garantir la transparence des hautes rémunérations, les modérer, et même les baisser. Ce sujet brûlant, s’il n’encourt pas la régulation par la loi, doit par conséquent être inclus dans le dialogue social. Il convient de l'inscrire dans la liste des sujets sur lesquels le MEDEF doit faire autant d'efforts que ceux qu'il tente d'obtenir des salariés.

Ce choix de principe sera ici lourd de conséquences. Les « réformes structurelles » ne sauraient devenir synonymes de baisse des protections collectives ou du pouvoir d’achat. Le compromis social ne se mesure pas au désarmement de la loi, mais à la décence des solutions qu’il rend possible.  Si la démocratie sociale doit marquer des progrès durant ce quinquennat, c’est à ce prix.
 

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