#Mégabassines

Pour un "mégadébat" sur la gestion de l’eau et un moratoire

Pour un "mégadébat" sur la gestion de l’eau et un moratoire

Quelques jours après la manifestation controversée de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres contre le chantier de mégabassine (1), je tiens à rappeler ici que le droit de manifester est un droit fondamental et qu’en l’espèce il eût été opportun de ne pas interdire cette manifestation. Je tiens à dire aussi que les agissements d'une minorité de manifestants qui s'en sont pris aux forces de l’ordre et ont commis des dégradations ne sont pas acceptables.

Au-delà des polémiques, revenons à l’essentiel : la question de la gestion de l'eau, de sa répartition, de son partage et de l'utilisation de l'argent public. De plus en plus de citoyens se saisissent de ce sujet de société fondamental, et c’est une très bonne chose. L'eau est avant tout un bien commun et son accaparement par un secteur comme le monde agricole ne peut se faire de manière aussi abrupte, par la création d’immenses bassines alimentées par les nappes phréatiques, c’est-à-dire nos réserves.

En tout état de cause, l’eau doit servir un modèle agricole pérenne, tenant compte des enjeux de la transition agroécologique. Ainsi, les petites retenues collinaires qui récupèrent les eaux de pluie par ruissellement sont largement préférables au captage dans les nappes, un modèle californien de la gestion de l'eau qui ne profite qu'à quelques-uns et qui ne saurait être envisagé sans un contrôle très sérieux ne mettant pas en péril l’utilisation collective de l’eau.

Pour de nombreux chercheurs, on ne pourra pas passer les prochaines situations de crise sécheresse sans une très grande sobriété des usages de l'eau, un partage équitable de la ressource, en fonction des priorités décidées collectivement, et une solidarité de tous les usagers. Aussi, est- il urgent d’interroger la pertinence des mégabassines et dans l'attente, tant la question est majeure, de décider d'un moratoire sur de tels projets.

Cécile Untermaier, le 4 novembre 2022.

(1) Toutes les réserves de substitution créées en France ne sont pas encadrées comme celles de Sainte-Soline. A 75 kilomètres de là, cinq bassines agricoles creusées à Cram-Chaban (Charente-Maritime) ont été jugées illégales par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 17 mai dernier. Après quatorze ans de procédure, la justice a confirmé que l'étude d'impact sur les milieux concernant ces retenues d'eau était "défaillante". Dans le détail, la cour a pointé le manque de précision quant aux conséquences sur les nappes phréatiques et les rivières.
Les protocoles d'accord, comme celui signé dans les Deux-Sèvres, doivent servir à empêcher une telle situation. 

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