#Criminalité organisée

Confiscation des avoirs criminels : examen d'un dispositif largement méconnu en séance publique

Confiscation des avoirs criminels : examen d'un dispositif largement méconnu en séance publique

Après son passage en commission des Lois, la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels a été débattue dans l’hémicycle. On parle ici de biens et sommes mal acquis, tels des villas, des voitures de luxe, de l’argent liquide, des cryptoactifs, des yachts, des fonds de commerce…

Rappel des principales dispositions :

-Simplification de la procédure d’appel formée à l’encontre des décisions de vente des avoirs criminels, avant jugement. 

-Renforcement de l’efficacité des condamnation pénales en prévoyant que la décision de confiscation d’un immeuble vaut expulsion de ses occupants.

-Simplification de l’indemnisation des victimes dans la gestion des biens confisqués, en élargissant l’assiette des biens sur lesquels la victime peut être indemnisée et en allongeant le délai dans lequel les parties civiles peuvent demander réparation. 

Mon intervention

"Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Chers collègues,

Le débat public est régulièrement traversé par des réflexions autour de la question du sens de la peine, notamment à l’occasion de délits ou de crimes qui nous heurtent plus que d’autres. 

L’opinion publique se retrouve ainsi souvent amenée à réclamer des peines plus lourdes, des peines plancher et autres mesures de privation de liberté souvent disproportionnées et incompatibles avec la tradition juridique française. 

C’est oublier qu’en matière d’activités criminelles, la peine de prison ne constitue pas le seul outil à disposition du juge et c’est en premier lieu grâce à vous Monsieur le Rapporteur.

En effet depuis 2010, la confiscation et la saisie des avoirs criminels se développe et a permis de frapper les acteurs de la criminalité organisée de manière beaucoup plus dure qu’avec des peines d’emprisonnement. 

En 2022 ce sont ainsi plus de 771 millions d’euros d’avoirs criminels qui ont été saisis, en nette hausse par rapport à l’année précédente. 

C’est le résultat d’un recours croissant des juges à cet outil mais aussi et surtout depuis deux ans, au développement dans les territoires de l’AGRASC qui dispose désormais d’antennes dans 5 métropoles aux quatre coins du pays.

Depuis la loi d’avril 2021 l’affectation des biens immobiliers saisis a également été facilitée et celles-ci ont ainsi plus que doublées. 

Si on peut grandement se satisfaire de la première décennie de vie de l’AGRASC, plusieurs domaines d’améliorations demeurent. 

Vous les avez listés, Monsieur le Rapporteur, dans votre rapport de 2019 au Premier ministre réalisé avec notre ancien collègue Laurent Saint-Martin. Si nombre de vos recommandations étaient de nature règlementaire ou organisationnelle, d’autres nécessitaient de passer par la loi. 

A travers la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, vous avez proposé quelques avancées techniques que mon groupe a soutenues, ainsi que des évolutions bienvenues en commission, en particulier sur l’automaticité de la peine complémentaire de saisie et confiscation, sauf décision spécialement motivée. 

En inversant ainsi la logique nous allons permettre une généralisation de ces peines et une amplification tant de leur efficacité que de leur nature dissuasive. Les criminels sauront qu’à leur sortie de détention ils ne retrouveront pas le produit de leur infraction.

Les évolutions proposées par le président Houlié en matière d’affectation des biens saisis à des clubs sportifs ou la mesure de nos collègues LFI en matière de formation des magistrats sont également bienvenues et utiles. 

Je proposerai pour ma part plusieurs amendements.

Il me semble utile en premier lieu de mieux faire connaitre encore l’activité de l’AGRASC et, au regard de mes propos précédents, de mieux faire apprécier au grand public la nature des saisies. Je proposerai donc qu’en complément du rapport annuel une liste des biens saisis et confisqués soit mise en ligne trimestriellement sur la page du ministère de la Justice qui lui est dédiée.

Ces listes existent bien entendu déjà et il suffira d’en masquer les données confidentielles avant de les publier sans charge excessive pour son administration. 

Je proposerai également un amendement à l’article 3 sur la question des expulsions de propriétaires de biens immobiliers saisis. Mon groupe soutient pleinement cette mesure cependant il manque à notre sens une mesure de coordination en cas de présence régulière d’un locataire.

Dans le cadre de la criminalité organisée, la constitution de patrimoine immobilier pour blanchir des avoirs criminels est une pratique courante, d’autant que ce patrimoine peut lui-même générer des revenus légaux. Ainsi la personne condamnée peut tout à fait avoir la qualité de bailleur de manière tout à fait régulière même si le bien lui-même est le produit de l’infraction. Il faut donc préserver les droits du locataire régulier au regard du droit commun en matière de rapport locatifs. 

Nous proposons ainsi d’appliquer le même régime que celui du congé pour vente ou reprise avec perception des loyers par l’AGRASC le temps du préavis, afin de ne pas pénaliser les locataires. 

Mon groupe votera pour cette proposition de loi de bon sens et remercie notre rapporteur d’avoir permis cette nouvelle évolution positive. 

Enfin, nous invitons le Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre des recommandations non-législatives du rapport de notre collègue pour que cet outil puisse trouver sa pleine efficacité.

Je vous remercie."

La proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale. Elle devra être ensuite examinée par le Sénat.

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