Nouvelle lecture du projet de loi "confortant le respect des principes de la République"

Nouvelle lecture du projet de loi "confortant le respect des principes de la République"

"Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mesdames, Messieurs les rapporteurs,

Mes cher-e-s Collègues,

Sur ce texte profondément modifié par le Sénat, et avant d’engager son examen en commission spéciale, je ferai quatre remarques, au nom de mon Groupe.

1/ Avec ce texte, nous faisons le constat que nous passons d’une laïcité de dialogue à une laïcité de combat et que nous revisitons de manière dangereuse toutes nos libertés fondamentales en ouvrant le champ à la surenchère sécuritaire comme le démontre le texte qui nous revient du Sénat. Triste République que celle qui restreint le champ des libertés et jette le soupçon sur des religions qui savent rester à l’écart, avec des valeurs compatibles avec celles que nous défendons en tant que républicains. Le Président de la République ne disait-il pas lui-même, le 4 janvier 2018, recevant les représentants du culte: « Il est impensable de penser trouver le bien commun de notre société sans prendre pleinement en considération les religions » ?

Nous combattons après les effroyables attentats qui ont meurtri notre pays, un fondamentalisme islamiste qui n’est pas la religion musulmane, qui n’est pas le fait des citoyens musulmans, qui font partie de notre République, qui font Nation avec nous parce que tous ensemble respectons l’Etat de droit. Nous avons toujours affirmé dans la suite de ces attentats, que nous devions nous prémunir de ces crimes - et à dessein nous avons voté sans hésitation des textes de loi depuis 2015 facilitant cette action -  mais que ces tragédies ne pouvaient avoir raison de nos modes de vie, de nos libertés et finalement de notre relation à la religion.

Nous chérissons la laïcité, cette liberté de croire ou de ne pas croire et la séparation de l’Etat et des organisations religieuses. A la « radicalisation de la laïcité », nous préférons créer les conditions du rassemblement, au travers duquel peuvent s’exprimer toutes les croyances.

2/ Combattre des intégrismes et radicalisations manipulant une religion à des fins funestes, est une action majeure qui doit être poursuivie. Que l’on réclame au culte musulman de s’organiser comme l’ont fait par le passé d’autres cultes, ne pose pas de problème à mon sens et c’est une nécessité absolue.  Mais ce n’est même pas le sujet du texte.  En revanche, est mis en place un vaste système de contraintes s’imposant aux cultes ab initio et cela en terme d’ingérence et de laïcité, ce n’est pas acceptable. « Employer la contrainte, avec beaucoup « d’articles qui renforcent l’aspect autoritaire de la laïcité, ce n’est pas le bon moyen », affirmait l’historien Jean Baubérot dès la première lecture. Que dirait-il à la lecture du texte issu du Sénat qui tendrait presque à interdire le port des babouches ! Nous observerons avec intérêt la suite réservée à ces amendements d’autorité du Sénat par la majorité.

3) Respecter les principes de la République ne se négocie pas dans le cadre d’un contrat d’engagement républicain. On ne contractualise pas avec la République. On nous dit que cela se limitera à une case à cocher dans une demande de subvention. Le problème n’est pas là. Il est que toutes les associations seront sous contrôle. Elles seront sous contrôle si et seulement si elles demandent une subvention publique… tout cela pour pouvoir réclamer l’argent distribué ! Je crois qu’en réalité nous avons tous les textes nous permettant d’agir contre ce fleau de la radicalisation.  Ce qui nous manque, ce sont les femmes, les hommes, les outils et les moyens, nous permettant de surveiller celles et ceux qui doivent être surveillés.

4) Le projet de loi comporte quelques bonnes mesures, comme celles  sur la surveillance des financements par exemple. Mais, il tape à côté de l’objectif. « On fait mal à des gens qui n’ont pas à recevoir des coups et on n’est pas efficace face aux véritables ennemis. ».

La difficulté est que nous avons construit notre propre séparatisme, nous avons construit par la ghettoïsation excessive, une misère et des difficultés concentrées. C’est ce que disait le Président de la République. S’ajoute une carence béante dans le domaine de la psychiatrie et le suivi de certains individus qui sont au-delà du séparatisme mais dans la folie. Nous voyons que la tâche est immense et qu’elle ne peut attendre la solution d’un texte de loi de cette nature. La République est aussi et d’abord une promesse qui s’exprime sur des valeurs sociales et inclusives. Nous devons mener des politiques publiques ciblées pour susciter l’adhésion tout en permettant à notre Etat de droit de s’occuper efficacement des égarés dangereux. 

C’est à l’aune de ces remarques, du caractère proportionné et nécessaire des dispositions qui touchent nos libertés fondamentales que nous examinerons ce texte."

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