#Lutte contre les VIF

Adoption du texte renforçant la protection des victimes de violences intrafamiliales

Adoption du texte renforçant la protection des victimes de violences intrafamiliales

Après que députés et sénateurs soient arrivés à un compromis lors d’une commission mixte paritaire le 21 mai dernier, l’Assemblée nationale a définitivement adopté mercredi la proposition de loi "renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate", après le Sénat en début de semaine.

Les principales dispositions pour rappel :

-La durée maximale de l’ordonnance de protection passe de 6 à 12 mois. 

-Une ordonnance provisoire de protection immédiate peut être émise dans un délai de 24 heures afin de protéger la victime de l’auteur des violences, le temps que le juge se prononce sur la délivrance de l’ordonnance de protection classique dans un délai de 6 jours.  

-En cas de violation de l’ordonnance de protection dite « classique » et de l’ordonnance provisoire de protection immédiate :  3 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Pour davantage de détails, consulter l’article récapitulatif

Mon intervention en séance publique

Mme la Président(e),

Mme la Ministre,

Mme la Rapporteure, 

Mes cher.e.s Collègues, 

1/ Cette proposition de loi est une partie de la réponse à un constat dramatique : alors qu’en 2022, on dénombrait plus de 244 000 victimes de violences conjugales, soit une hausse de 15% par rapport à 2021, seules moins de 6000 ordonnances de protection ont été demandées cette même année et 3586 délivrées. Ce fossé entre le danger de mort auquel ces victimes sont exposées et l’impuissance du bloc police/justice de les protéger malgré des efforts indéniables, nous oblige. 

2/ Le renforcement de l’ordonnance de protection classique ne peut qu’emporter notre soutien, d’autant que nous en avons été à l’origine. 

-L’allongement de la durée maximale de l’ordonnance de protection de 6 à 12 mois, sans obligation de renouveler la procédure à 6 mois sous certaines conditions, est une mesure de simplification pour les victimes et les magistrats. 

-La possibilité de délivrer l’ordonnance de protection même en l’absence de cohabitation du couple et le fait de masquer les victimes sur les listes électorales lorsque la dissimulation de leur adresse a été autorisée par le juge aux affaires familiales, répondent encore à un souci d’efficacité. 

3/ En revanche, je reste convaincue que les critères cumulatifs du danger et de l’existence de violences vraisemblables restent un sujet problématique pour les magistrats. Les violences vraisemblables suffisent à fonder une ordonnance de protection. Demander au juge des affaires familiales d’imaginer à partir de quelles violences le danger est là, cela me parait extrêmement difficile. Nous devons entendre la parole des victimes, c’est ce que l’on attend de nous. 

Et, l’argumentaire des juges doit être facilité. D’ailleurs, tous ceux que j’ai rencontrés confirment l’analyse faite par le Conseil national de l’ordonnance de protection : la notion de danger vraisemblable complexifie la décision à rendre par le juge qui se refuse à opérer une hiérarchisation dans les violences, en distinguant celles qui sont sources de danger de celles qui n’en sont pas. Et, rappelons qu’il s’agit d’une mesure de protection et non une décision de culpabilité. 

4/ Enfin, l’ordonnance provisoire de protection immédiate délivrée sous 24h est un outil essentiel au regard d’un danger imminent. 

La lutte contre les violences intrafamiliales est directement liée à la capacité des magistrats de se saisir rapidement de ces outils. Ce qui implique des moyens et des effectifs. Ceux-ci sont en cours d’être mis en place et nous devons progresser dans cette voie. 

Pour toutes ces avancées, nous voterons ce texte.

5/ Deux remarques en conclusion

-D’abord, l’efficience de l’ordonnance de protection exige la réactivité de tous les acteurs judiciaires et de police. Nous avons encore trop de conjoints qu’on retrouve sur les lieux de vie, de travail de la victime. Nous devons faire en sorte que les services de gendarmerie ou de police réagissent rapidement sous l’autorité du juge ou du procureur. 

-Enfin, la justice restaurative dans les situations de violences intrafamiliales, c’est un dispositif complémentaire de la justice pénale, qui n’a rien de laxiste, qui conforte l’efficacité de la peine, et a d’excellents résultats, notamment au Québec où une vraie politique de justice restaurative avec des crédits d’Etat a été mise en place. Je pense qu’il faut avancer dans cette voie. D’ailleurs, un colloque a été réalisé hier avec beaucoup de succès par notre collègue Caroline Yadan. La justice restaurative est un moyen excellent pour mettre en face de la victime la responsabilisation de l’auteur. C’est du dialogue et sans le dialogue, nous n’avançons pas dans ce domaine qui est un véritable fléau pour notre société.

Je vous remercie. 

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